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Jean-Claude Barbier, membre permanent du conseil d'administration de l'AFCU, adresse

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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 18:10

Hans Deutsch est un dessinateur autrichien (ou tchèque ?) immigré à Paris à la fin des années 1930 et qui contribua par son art à lutter contre le nazisme. Il est l’auteur du dessin qui allait devenir l’emblème de la plupart des unitariens : le calice à la flamme.

Lorsque l’empire austro-hongrois, allié des Allemands, connu la défaite au terme de la guerre 14-18, la Tchécoslovaquie se proclama République le 14 novembre 1918. Le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919, confirma le démantèlement de cet empire.

Mais l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler le 30 janvier 1933, suscite un certain engouement pour le national-socialisme dans les pays voisins plus à l’est. Ceux qui se sentent les plus menacés, élites juives et communistes, commencent à émigrer. Sachant qu’une partie de l’opinion autrichienne lui est favorable, A. Hitler lance l’idée d’un rattachement de l’Autriche à l’Allemagne (l’Anchluss). La pression allemande se fait de plus en plus forte à partir de 1934 et aboutit à l’accord imposé du 12 février 1938 puis à l’invasion de l’Autriche le 13 mars.

Sur ce, les accords de Munich (29-30 septembre 1938) font perdre à la Tchécoslovaquie une bonne partie de son territoire, et ce qui reste est englouti par l’invasion du 15 mars 1939.

H. Deutsch fut-il Autrichien comme l’avance Dan D. Hochkiss (avant 1987) ? ou bien Tchèque selon Art Lester (1993) Ou Tchèque en Autriche ? Il serait pertinent d’avoir sa biographie. Nos historiens unitariens ne semblent pas y avoir pensé jusqu’à présent. Quoiqu'il en soit, c'est à Vienne qu'il exerce ses arts : il est musicien, dessine des portraits, fait des caricatures qu'il publient dans les journaux de la place. Ayant réalisé des caricatures anti-nazies, il doit quitter Vienne pour Paris, sans doute au moment de l'entrée des troupes allemandes en Autriche ; puis il lui faudra de nouveau partir de Paris lorsque celle-ci se déclare ville ouverte à l’approche des armées allemandes, le 11 juin 1940.

Durant son séjour à Paris (février 1938 ? - juin 1940), a-t-il publié des caricatures dans les gazettes parisiennes ?

Il se réfugie au Sud de la France, passe en Espagne et finalement se retrouve à Lisbonne en janvier 1941 grâce à un faux passeport. Là, durant sx mois il sera le secrétaire et l'assistant du révérend américain Charles E. Joy (1885-1978) qui anime le Service unitarien (Unitarian Service Committee) en qualité de directeur exécutif.

Cette instance, basée à Boston, participe à l’aide aux exilés européens qui, à Lisbonne, embarquent pour l’Amérique. La plupart, à 90%, sont des Juifs, certainement aussi des unitariens d’Europe centrale. Ch. E. Joy a besoin d’un logo pour des entêtes de courrier et des badges afin de faire connaître son organisme et être ainsi mieux pris en considération par les autorités :

"pour leur conférer un aspect officiel, pour leur donner de la dignité et de l’importance, tout en symbolisant l’esprit dans lequel nous travaillons. Quand un document peut éviter à un homme d’aller en prison, être pris en considération par les gouvernements et de la police, alors il importe qu’il semble être important" (cité par D. D. Hochkiss).

C’est alors que H. Deutsch va produire un dessin étonnant : une coupe contenant une flamme.

Qu’elle est la signification de cette coupe ? Pour Charles E. Joy, il s’agit d’un calice :

Un calice avec une flamme, le genre de calice que les Grecs et le Romains ont mis sur leurs autels. L'huile sainte y brûlant est un symbole de secours et de sacrifice. C'était dans l'esprit de l'artiste. Le fait que ce symbole suggère à distance une croix * n’était pas dans son esprit, mais pour moi cette silhouette de croix a cependant le mérite d’exister. Nous ne limitons pas notre travail aux chrétiens. En effet, actuellement, notre travail est à 90% pour les Juifs, pourtant nous provenons de la tradition chrétienne et de son thème central de l'amour sacrificiel " (cité par Art Lester).

* effectivement, vue latéralement, la coupe très évasée, sur pied et avec sa flamme a la silhouette d’une croix

Entre les coupes gréco-romaines et le calice chrétien c’est le grand écart quant à la forme et au contenu ! Voir notre vocabulaire religieux à propos des vases sacrés. Mais notre révérend utilise bel et bien le terme de calice et le relie implicitement au repas sacrificiel des chrétiens.

USC-logo.jpg Nous ne savons pas si l’original de ce célèbre dessin, fait au crayon et à l’encre, a été archivé. Quoiqu’il en soit, nous le retrouvons en logo de l’Unitarian Servive Committee (à partir de cette histoire et donc bien avant l'unitarisme-universalisme de 1961). 

 

De son côté, H. Deutsch n’est pas croyant, mais il admire le dévouement du révérend qui va jusqu’à sacrifier pour son service tous les instants de sa vie. Il parle lui aussi de " sacrifice " de soi pour les autres :

Il y a quelque chose que je dois vous dire […] c’est combien j'admire votre entière abnégation et votre promptitude à vous sacrifier entièrement, votre temps, votre santé, votre bien-être, pour aider, aider, aider. Je ne suis pas ce que vous pourriez actuellement appeler un croyant. Mais, si votre genre de vie correspond à votre profession de foi – ce que je ressens comme tel - alors la religion, cessant d'être magique et remplie de mysticisme, devient une confession conduisant à une philosophie pratique – et ce qui est mieux – elle motive un travail social réellement utile. Et cette religion - avec ou sans titre - est l’une à laquelle même un camarade "athée" comme moi peut dire oui de tout cœur " (cité par D. D. Hochkiss).

Nous sommes bien dans une symbolique selon des valeurs chrétiennes et la coupe, même très évasée, a, dans ce contexte, bel et bien le sens d’un calice.

Le fait que le dessinateur soit autrichien ou tchèque, le pas est vite franchi pour tous ceux qui connaissent l’épopée des calixtins du XVe siècle d’y voir une reproduction du calice des hussites. Si D. D. Hochkiss (avant 1987) n’en parle pas, l’historien français Albert Blanchard-Gaillard (1987) y ajoute cette référence et le révérend britannique Art Lester (1993) évoque d’emblée " le courage religieux de Jean Hus ".

Comme la plupart des communautés unitariennes du monde entier, l’AFCU se réfère également dans ses statuts (février 1997) à cet emblème. Lors de son assemblée générale de mars 2006, elle a émis sa prédilection pour représenter un calice plutôt qu’une coupe, en référence précise au calice utilisé par l’Eglise unitarienne de Transylvanie.

Epilogue pour notre dessinateur : en juin 1941, il est menacé d'emprisonnement. Le Service unitarien le fait alors passer aux Etats-Unis sous le nom de John H. Derrick (information de la Westside UU Congregation Religious Education).

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