
Hajom Kissor Singh (1865-1923), traduction en français par Christian Phéline (avril 2008) de la bibliographie rédigée par Spencer Lavan pour le compte de l’Unitarian Universalist Historical Society (UUHS). http://www.uua.org/uuhs/duub/articles/hajomkissorsingh.html
Hajom Kissor Singh (15 juin 1865 – 13 novembre 1923) naquit et passa toute sa vie dans les collines khasi de l’Etat de Meghalaya en Inde du Nord-Est. N’ayant pas connaissance des croyances extérieures, c’est par ses recherches personnelles qu’il devint unitarien. Après avoir pris contact auprès des unitariens américains et britanniques, il créa une Eglise dans la ville de Jowai où il habitait, laquelle est devenue depuis le siège du Conseil indien des Eglises unitariennes (Indian Council of Unitarian Churches, ICUC). H. K. Singh a dirigé un mouvement important dans son Etat puisqu’on y dénombre actuellement plus de 30 Eglises locales groupant un total de 10 000 membres.
Kissor était l’aîné des deux fils de Bor Singh, un agent de police à Jowai, ville de montagne la plus au Nord-Est de l’Inde, située à la jonction des collines des pays khasi et jaintia. Les Khasi, tribu venue dans cette région depuis l’Asie du Sud-Est, avaient leur propre religion, différente de l’hindouisme, caractérisée par la foi en un Dieu créateur et une pratique de chamanisme visant à se rendre propice les forces bienfaisantes, les démons et les esprits ancestraux.
H. K. Singh écrivait en 1891 : " dans la religion khasi actuelle il y a de nombreux démons et beaucoup de rites et coutumes ; je crois qu’autrefois, chez nos ancêtres, il y avait peu de démons*, et j’ai entendu les vieilles gens dire qu’au tout début nos ancêtres adoraient Dieu et lui offraient des sacrifices et non à des démons ".
ndlr* les missions chrétiennes étant passée par là, il conviendrait de vérifier ce que les Kashi désignent aujourd’hui par " démons " et qui peuvent être tout simplement des esprits ou des divinités qui punissent nos fautes morales ou rituelles.
25 ans avant la naissance de Kissor, la langue khasi n’avait pas d’écriture. Ce sont des missionnaires calvinistes et méthodistes en provenance du pays de Galles qui ont créé le premier texte khasi lorsqu’ils ont traduit la Bible en khasi. Par la suite, ces missionnaires ont ouvert les premières écoles khasi et ont imprimé les premiers livres de lecture et une grammaire.
A 15 ans, H. K. Singh se convertit à la foi réformée de ces missionnaires gallois. Lorsqu’il atteint l’âge de s'inscrire à la faculté, il avait acquis les moyens de se former tout seul. Ce fut un bon étudiant, s’intéressant particulièrement à la religion, ce qui l’amena à contester en partie l’enseignement donné par l’Eglise méthodiste, mettant en doute le christianisme " orthodoxe ". Il confie à son journal personnel, ses difficultés, ses intérêts, et sa pensée originale ; ce qui fait apparaître la vivacité de son esprit, la précocité de sa sagesse, et sa compassion.
H. K. Singh remarqua que les missionnaires gallois ne faisaient plus cas de la crainte des démons, mais la remplaçaient par la peur de l’enfer. Il déplorait leur hostilité vis-à-vis des missionnaires catholiques lorsque ceux-ci souhaitèrent s’installer dans les collines khasi, de la même façon qu’ils étaient inamicaux avec lui lorsqu’il concluait ses recherches en déclarant qu’il faudrait qu’il [H. K. Sinh]délaisse leur Eglise pour aller " à la recherche de la vraie religion de Jésus, l’Amour de Dieu ".
Margaret Barr, unitarienne anglaise qui se consacra à la communauté unitarienne khasi après la période de H. K. Singh, commenta ainsi son orientation religieuse : " Il ressentait et déclarait que le message de l’élection, de la damnation et du salut rapporté au fait de fréquenter telle Eglise, d’adhérer à un certain credo, étaient incompatibles avec l’enseignement de Jésus tel que reçu dans l’Evangile. Il souhaitait persuader ses frères chrétiens que l’essentiel de l’Evangile se découvrait dans la façon de vivre du Christ et dans son échelle de valeurs plutôt que dans telle recette pour le salut par le sang ou par la foi, ... bien que celle-ci émane de Paul ou de Calvin ".
Etant encore jeune, H. K. Sing se forgea donc des convictions unitariennes et il contacta d’autres personnes afin de les évaluer sans savoir qu’il y eut dans le monde d’autres gens qui partageaient sa pensée. Quand il atteignit 25 ans, un converti à l’hindouisme, membre de la société hindoue libérale des Brahmanes Samaj, lui indiqua la présence d'un ministre unitarien à Calcutta, Charles H. A. Dall, qui pensait comme lui.
Il s’ensuivit entre eux, un échange de lettres passionnées. C. H. A. Dall lui adressa un recueil des œuvres de William Ellery Channing et H. K. Singh comprit tout à coup que nombreux étaient ceux qui partageaient ses conceptions et qui se nommaient unitariens. En conséquence, il appela sa doctrine " Kha Nam Unitarian ", soit la religion unitarienne.
H. K. Singh recevra chez lui des amis pour discuter de religion. H. A. Dall continua à lui écrire, encourageant ses efforts et lui adressant des publications. Lorsqu’il mourut en 1886, H. K. Singh en fut très attristé et découragé. " J’avoue que j’ai reçu de lui une immense lumière " écrira-t-il dans son journal ; " j’espère poursuivre la défense de l’unitarisme dans les collines khasi, mais maintenant que mon partenaire a disparu, ce sera très difficile d’agir seul ".
Selon le biographe de H. K. Singh, avant d’avoir l’aide de H. A. Dall, il était déjà éclairé et croyant, mais il vivait dans un vide intellectuel et il avait grand besoin d’élargir son monde et d’établir des liens avec la pensée religieuse de son époque et l’histoire.
Helen Tomkins, qui avait pris en charge, après la mort de H. A. Dall, la mission unitarienne de l’Association unitarienne Américaine (American Unitarian Association, AUA) [à Calcutta], adressa à H. K. Singh des exemplaires de l’Unitarian Magazine, lequel écrivit peu après directement à l’éditeur, Jabez T Sunderland *, qui lui adressa davantage encore de documentation.
* Jabez Thomas Sunderland (11 février 1842 - 13 août, 1936), voir sa biographie par Spencer Lavan dans la même série de l’UUHS, http://www25.uua.org/uuhs/duub/articles/jabezsunderland.html
Le 18 septembre 1887, devenue depuis la date anniversaire célébrée aujourd’hui par les unitariens khasi, H. K. Singh présida le premier vrai culte dans sa maison à Jowai. Une femme et deux hommes le rejoignirent comme premiers membres d’une nouvelle Eglise. A la même époque, U Heb Pohong, un homme qui habitait à près de 20 miles au village de Nongetalong, lut les textes de Channing et rompit lui aussi avec le calvinisme. Un peu plus tard, un pasteur khasi, David Edwards, au village de Raliang, devint unitarien et abandonna sa charge pastorale. Tous trois joignirent leurs efforts pour " promouvoir une religion qu’ils puissent prêcher avec conviction ". H. K. Singh en était le plus éduqué et leur leader naturel.
Un credo fut adopté par le groupe et publié par H. K. Singh dans l’Unitarien : " Nous croyons : 1° à l’unicité de Dieu, 2° à la paternité et la maternité de Dieu, 3° à la fraternité de l’Homme, 4° à l’amour, l’union, l’adoration, la foi, 5° et à l’immortalité ".
J. T. Sunderland fut à l’origine d’un important secours en faveur des unitariens khasi. Il quémanda de l’aide auprès d’Helen Bates et autres unitariens américains de Waterville (dans l’Etat du Maine) et il utilisa les fonds pour éditer 500 exemplaires du " A book of services and hymns in the Khasi language " (Singh,1892). Des capitaux, venus de Londres, furent par ailleurs utilisés pour éditer plusieurs tracts en 1893.
Vers 1899, la congrégation de Jowaï avait atteint 30 membres et put acquérir un lieu de culte. Ils démarrèrent aussitôt une école élémentaire en langue khasi.
H. K. Sigh et J. T. Sunderland se rencontrèrent en 1896. J. T. Sunderland écrivit : " je n’ai jamais été plus impressionné par aucun mouvement religieux que par celui des Khasi Hills. Partout j’ai observé à l’évidence : sincérité, consécration et attachement à cette foi religieuse, perçue par le peuple comme ayant tant œuvré pour eux. Dans l’ensemble, ce mouvement est unique du fait qu’il émerge du terrain. C’est là mon privilège d’aider à la formation d’une Union unitarienne des populations des collines khasi (Khasi Hills Unitarian Union) ".
Vers la fin de 1899, la communauté étaient de 214 personnes, dont 148 se montraient assidues au culte.
H. K. Sing écrivit un catéchisme, " Livre des questions brèves sur l’unitarisme ", qui vient seulement d’être traduit en anglais. S’adaptant à certaines valeurs traditionnelles de sa culture, H. K. Singh définit l’unitarisme khasi en termes de respect dû à Dieu, à autrui et à soi-même.
Magnus Ratter, pasteur anglais, a écrit sur les divers talents de H. K. Singh : fournisseur occasionnel de médicaments, il procurait aux malades ses produits ; membre du bureau de la banque khasi locale, il intervenait sur les ventes de propriétés et achetait des habitations pour les unitariens ; comme superviseur [de son Eglise], il lui arrivait d’officier comme premier clerc au bureau du délégué adjoint à Shillong.
Tout en assumant ces fonctions, il remplissait aussi sa tâche de pasteur, présidant maints cultes et prodiguant des conseils.
Sa vie très réussie de pionnier ne fut pas exempte de tragédies. Plusieurs membres jeunes et très aimés de sa famille moururent. D’abord son épouse, puis certains de leurs enfants. Il éleva seul un fils et trois filles. Il espérait que son fils Ekiman Singh lui succèderait dans son ministère. Il l’envoya faire ses études aux USA, quand il atteignit l’âge de 15 ans, mais le jeune homme ne supporta pas une telle différence de cultures et mourut de pneumonie en 1923.
De plus amples informations sur la vie de Singh peuvent être trouvées dans les ouvrages suivants :
Bruce Findlow, Kharang (1955) ;
Mary Lawrance, "Khublei," The Story of the Khasi Hills Liberal Churches (1964) ;
Spencer Lavan, Unitarians and India (1977) ;
Renewlet Nongbri, Growth and Development of Unitarianism in the Khasi and Jaintia Hills (1989) ;
John Rex, "Khasi Unitarians of North East India" texte inédit, Harper's Ferry Ministerial Study Group (novembre 1999).
Pour des informations générales sur le pays khasi, voir :
Edingson Blah, Khasi Self-Teacher (1964) ;
Hamlet Bareh, The History and Culture of the Khasi People (1967) and Khasi Fables and Folk Tales (1971) ;
Margaret Barr, A Dream Come True (1974) ;
Hipshon Roy (éd.), Khasi Heritage: A Collection of Essays on Khasi Religion and Culture (1979).