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réunir par les échanges, l'amitié et le culte tous les chrétiens qui n'adhèrent pas au dogme de la Trinité

pacifisme, non-violence, et force de paix

par Jean-Claude Barbier


Le pacifisme considère que la guerre est toujours la pire des solutions et qu’il est toujours possible de régler les différends entre les puissances par la négociation ; c’est en quelque sorte, la paix à tout prix. Les accords de Munich en 1938 où Britanniques et Français acceptèrent le fait accompli des premières conquêtes d’Hitler illustrent le jusqu’au-boutisme d’une telle doctrine … laquelle finalement n’empêche pas la guerre mais la retarde. Alors que son point de départ : négocier d’abord, est tout à fait réaliste et peut éviter bien des drames, la suite relève d’une naïveté en politique qui a été dénoncée.

 

Pire, en prônant le désarmement unilatérale, elle expose la population sans défense aux hégémonies et impérialismes des voisins. Les Romains ne disaient-il pas : si tu veux la paix, prépare la guerre ! Le pacifisme prend donc le risque de l’occupation du territoire national sans défense par des forces étrangères avec des formes d’exploitation en général drastiques et un Gouvernement dépendant, sinon ouvertement collaborationniste.


Les socialistes du XIXème siècle voyaient dans le pacifisme à tout crin une sortie du capitalisme qui exacerbe les rivalités nationales ; en refusant la guerre, en prenant le pouvoir par la révolution en chaque pays, ils pensaient ainsi déminer les conflits – ceux-ci n'étaient-ils pas voulus par les dirigeants pour défendre leurs intérêts égoïstes et non point par les braves peuples qui, eux, comme on le sait, sont tout à fait paisibles et vaquent à leurs simples besoins.


Cette utopie socialiste, basée sur une critique du capitalisme et sur une prise de conscience de la classe ouvrière en chaque pays, a rejoint le pacifisme chrétien qui, lui, est basé sur le message de paix de l’Evangile. Lors des Réformes protestantes du XVIème siècle, les anabaptistes et les anti-trinitaires (dans une moindre mesure) relancèrent le devoir des chrétiens de ne pas faire la guerre, de s’abstenir des fonctions dans l’Armée, mais aussi dans la Justice car certains procès aboutissent à la mise à mort du condamnés, d’une façon plus générale dans la politique. Les nobles étaient invités à ne plus porter l’épée, sinon une épée en bois toute symbolique de leur rang. En échange du risque d’être tué, eux et leur famille, le paradis est assuré aux croyants ! Et puis, en arrière fond, l’idée que c’est Dieu qui fait l’histoire et non les hommes. Le messianisme juif puis chrétien s’est nourri de cette attente de l’irruption de Dieu dans notre histoire et de la restauration définitive de la Paix.


La non-violence prend le relais du pacifisme mais, à partir de l’action de Gandhi qui a conduit à l’indépendance de l’Inde, considère qu’une résistance est possible par la mobilisation du peuple : les prisons ne sont plus suffisantes, les grèves paralysent le pays, les meneurs deviennent des héros lorsqu’ils sont arrêtés, les actions répressives trouvent vite leurs limites. Toutefois, certains régimes n’hésitent pas à massacrer leurs peuples pour se maintenir ; et là c’est la non-violence qui trouvent ses limites. Elle trouve aussi ses limites en misant sur une volonté populaire unanime et sans faille, or - le cas de l’Inde est significatif qui vit la violence s’installer entre hindouistes, musulmans et sikhs - les peuples ne sont pas homogènes et les luttes pour le nouveau pouvoir s’engagent très vite …et avec une violence extrême.


En France, le courant non-violent est représenté par la revue trimestrielle Alternatives Non-Violentes ANV (lien) dont François Vaillant est le rédacteur en chef (lien) et le mouvement animé par Jean-Marie Muller Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN), lequel insiste sur la justice sociale comme base de la paix. Voir notre dossier sur la non-violence dans les Actualités unitariennes (lien) où le lecteur trouvera plusieurs textes de Jean-Marie Muller.


A partir des travaux de l’Américain Gene Sharp* dans sa thèse de doctorat « The Politics of Nonviolent Action: A Study in the Control of Political Power », soutenue en 1968 à l'Université d'Oxford, répercutés en France par Jean Marichez et l’Ecole de la paix à Grenoble *, s’est développée une non-violence rectifiée, non plus absolue, mais à géométrie variable selon les situations, pragmatique, centrée sur les méthodes de résistances civiles de masse et les stratégies permettant aux peuples opprimés ou agressés de s'en sortir, bref sur le « comment faire? ». Gene Sharp préfère utiliser l’adjectif « nonviolent » en un seul mot afin d’éviter toute connotation pacifiste. Aujourd'hui, on peut dire qu'une cinquantaine de mouvements révolutionnaires ont suivi les techniques étudiées par Gene Sharp, aux Philippines, dans les Pays Baltes, au Kosovo, en Ukraine, en Géorgie etc. et dernièrement en Egypte et en Tunisie. Ces techniques sont enseignées par le centre de formation pour l'action nonviolente CANVAS (Center for Applied NonViolent Action and Strategies), créé par les meneurs de la résistance à Milosevic à Belgrade, en Serbie.


* Jean Marichez a rencontré Gene Sharp à Boston en 1994 au Albert Einstein Institution, près de Harvard, lors d’un séjour.


* créée en 1998 à l’initiative de Richard Pétris, sous forme d’association loi 1901, l’Ecole de la Paix se consacre à la promotion d’une culture de la paix et du vivre ensemble ( lien). « L’École de la paix travaille à la promotion d’une culture de la paix et du vivre ensemble, dans nos quartiers jusqu’aux territoires les plus lointains. Elle conçoit des outils pédagogiques, développe des animations et des formations, assure des modules universitaires, organise des rencontres d’experts, des colloques, des expositions, et développe un réseau de partenaires en France et dans le monde. Son ambition est d’associer tous les acteurs de la société, y compris les entreprises, au développement humain, et d’impliquer les jeunes dans cette construction de l’avenir ».


jean_marichez.jpg

 

Jean Marichez a publié :


La guerre par actions civiles, avec Xavier Olagne, édité par l’ex Fondation pour les Études de Défense en 1998, diffusé par La Documentation Française, Paris.
Croyances Meurtrières, à L’Harmattan, Paris, 2011 (lien).


et a traduit en français 5 ouvrages de Gene Sharp :


La guerre civilisée, Presse Universitaires de Grenoble, 1995
La Force sans la violence, L’Harmattan, Paris, 2009
De la dictature à la démocratie, L’Harmattan, Paris, 2009
L’anti-coup d’Etat, L’Harmattan, Paris, 2009
Mener la lutte nonviolente, en cours d’édition


Est-ce un reste de pacifisme ? La non-violence s’abstient pudiquement de soutenir des interventions armées qui sont programmées sous l’égide des Nations-Unies, comme par exemple l’interposition d’une force militaire entre les parties en conflit (avec droit de riposte en cas de défense), l’ingérence pour arrêter les massacres perpétrés par un régime contre sa population, etc. Ce sont pourtant des forces de Paix, un peu comme une police à l’échelle internationale dans le cadre d’un nouvel ordre mondial qui se met peu à peu (et non sans difficulté) en place et qui ont précisément comme objectif la fin des conflits.

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