réunir par les échanges, l'amitié et le culte tous les chrétiens qui n'adhèrent pas au dogme de la Trinité
Le rôle des unitariens au sein de la situation religieuse au Rwanda
par Clément Uwayisaba, Kigali le 26 octobre 2012.
La foi traditionnelle en Imana était partagée par tous les Rwandais. Le pays est devenu par la colonisation majoritairement chrétien. Tous les chrétiens rwandais ont gardé à travers les religions chrétiennes leur foi en Imana qui est devenu ainsi, non seulement le Dieu des Rwandais, mais aussi le même que celui des chrétiens du monde entier. Cette assimilation s'est faite sans grande rupture conceptuelle puisqu'il y avait même un baptême rwandais très proche de celui des chrétiens. Ce qui a changé sur le plan socioculturel c'est l'introduction d'un clergé, diminuant l'influence de la dynastie royale rwandaise qui n'avait pas de prétention ecclésiale, mais un réseau de pouvoirs qui se réclamait d'une harmonie dans laquelle Imana avait sa place référentielle. La pratique religieuse rwandaise était domestique.
Les institutions religieuses chrétiennes ont une influence considérable sur ce pays. Trois ans avant le génocide de 1994 un recensement avait compté au Rwanda environ 90 % de chrétiens, dont 62 % de catholiques, 18 % de protestants et 8 % d'adventistes. On trouve aussi au Rwanda une petite communauté musulmane, essentiellement à Kigali dans le quartier populaire Nyamirambo où deux mosquées ont été construites, dont l'une financée par le colonel Mouammar Kadhafi. Mais on voit aussi parfois dans la campagne de toutes petites mosquées.
Les catholiques rwandais sont liés plus particulièrement aux Eglises belge, suisse et espagnole et naturellement au Vatican. Les protestants rwandais sont plus ouverts aux Eglises anglaise et américaine.
La congrégation des Pères blancs a très largement contribué à la construction du Rwanda colonial puis à l'établissement des républiques hutu, agissant en pleine intelligence avec le colonisateur allemand puis belge. La dynastie royale tutsi a essayé de résister à l'emprise chrétienne des missionnaires, mais elle a été minée par des conversions au sein même de la famille royale qui suivaient l'enseignement dispensé par les catholiques. Un roi, résistant au baptême, a été destitué par les Belges au profit de son fils converti.
Le rôle de l'enseignement catholique sera déterminant pour l'implication chrétienne dans l'évolution coloniale du Rwanda. Les missionnaires s’attacheront en priorité à former l’élite aristocratique constituée par les Tutsi, si bien que le séminaire était, à la veille de l'indépendance, pratiquement la principale voie pour les Hutu, d’accéder à l’enseignement. D'une manière générale, pour les jeunes Rwandais de la colonisation et ensuite des Républiques hutu, la poursuite des études passait obligatoirement par une allégeance au christianisme. Lors de son audition devant les parlementaires français, le Père Guy Theunis, missionnaire-journaliste de la congrégation des Pères blancs, parlant couramment le kinyarwanda, dira de l'Église catholique au Rwanda que « c'était une sorte d'État dans l'État » avec ses paroisses, ses dispensaires et ses écoles.
A la veille de l’Indépendance, l’Eglise catholique opère un changement de ses priorités en matière d’enseignement. Des missionnaires belges flamands commencent à venir au Rwanda et voient dans la suprématie tutsi l'image des Wallons (alors politiquement dominants) dans la société belge ! Une théologie de la libération, mélangée à des considérations sur la Révolution française, baigne cette période. Monseigneur Perraudin, évêque suisse originaire du Valais en poste au Rwanda, conseille aux séminaristes une organisation rwandaise sur le modèle Suisse avec un hutuland et un tutsiland. Sa « Lettre pastorale » du 11 février 1959 est considérée comme le déclencheur du revirement de l'alliance au bénéfice des Hutu. Elle aboutira à la création du Parmehutu et à la révolution sociale hutu, dirigée par le secrétaire particulier de Mgr Perraudin, Grégoire Kayibanda, qui deviendra le premier président du Rwanda. On reprochera ultérieurement à cette lettre d'avoir donné une caution morale à la dérivation du problème des riches et des pauvres vers un problème racial.
Jean Paul II vint au Rwanda en septembre 1990 et y prêcha le dialogue entre le pouvoir hutu (avec Juvénal Habyarimana) et les Tutsis exilés en Ouganda à la suite de pogroms de 1959 dont ils furent victimes. Mais le 1er octobre 1990, les exilés Tutsis du FPR déclenchèrent leur retour armé.
Kigali : stèle commémoriale du génocide de 1994
Quelles que soient les Eglises, elles ont toutes été traversées de la même manière par le génocide de 1994, avec des génocidaires en leur sein, des dénonciateurs et des complices, des massacrés et des exilés. Des lieux de culte furent le théâtre d'importants massacres. Certaines de ces églises ont repris leur fonction, d'autres n'ont pas été reconstruites et abritent actuellement des mémoriaux dont les plus connus sont probablement ceux de Nyamata et Ntarama (au Sud - Sud-Est de Kigali), où périrent en tout 10 000 personnes.
Il semble que les Rwandais musulmans aient été plus résistants à la propagande génocidaire que les rwandais chrétiens. Mais leur faible nombre a pu aussi permettre d'éviter que l'on remarque particulièrement leurs comportements. Toutefois Hassan Ngeze, condamné par le TPIR, responsable de Kangura, magazine notoire de la propagande pré-génocidaire, était musulman.
Depuis un certain temps et très probablement à cause du rôle réel ou supposé que les Eglises ont joué dans les crises que nous traversons, nombre d'intellectuels ont développé une certaine méfiance envers elles. Le manque de dialogue sur des questions essentielles, la manie d'imposer ce qu'elles perçoivent comme la vérité, le peu d’empressement à avouer leurs propres doutes sont autant de facteurs qui poussent certaines personnes à se retrouver dans des communautés restreintes où le doute chercheur (ou méthodique pour reprendre l'expression de Descartes), la solidarité, la croissance spirituelle, l'amour de Dieu et du prochain trouvent une oreille attentive et un coeur aimant. La congrégation unitarienne du Rwanda est précisément dans cette offre.
Notre congrégation se propose de croire en un seul Dieu (quelle que soit l'expérience et l'image que les membres en ont) et d'être ouverte au message de Jésus qui pour nous est un modèle à imiter et non un Dieu à adorer. En son sein, protestants libéraux et anciens catholiques se retrouvent chaque dimanche pour des célébrations où c'est plus l'amour, la vie et la fraternité qui sont célébrées.
Le groupe fondé il y a bientôt deux ans et demi s'efforce de construire une communauté au sein de laquelle les différences sont plutôt une richesse et où la recherche spirituelle n'a de limites que la finitude humaine qui nous maintient à notre place et permet à Dieu de garder sa grandeur. Puissent nos esprits qui cherchent la Paix, l’amour du prochain, la stabilité et la spiritualité (Dieu) obtenir satisfaction.