réunir par les échanges, l'amitié et le culte tous les chrétiens qui n'adhèrent pas au dogme de la Trinité
Tout le monde veut s’appeler évangélique ! Est-ce pour nous rappeler que, pour tout bon chrétien, l’Evangile est la référence fondamentale ? Pourquoi certains chrétiens veulent-ils s’accaparer dénominationnellement cette référence qui, en principe, est partagée par tous les chrétiens du monde entier ? Veulent-ils nous dire qu’ils sont meilleurs chrétiens que les autres ? ou encore les seuls chrétiens ?
Cela semble avoir commencé par les luthériens au XVIème siècle, pour se démarquer des catholiques qui, selon Luther, avait trahi les textes. Leur théologie est luthérienne, mais leurs Eglises se dénomment officiellement « Eglises évangéliques luthériennes », sinon « évangéliques » tout court dans la pratique. Par contre les fédérations se disent luthériennes. Pour les historiens, on dit « Églises de la Confession d'Augsbourg ».
Puis, il y eut, au XIXème siècle, une réaction conservatrice de protestants réformés (donc cette fois-ci de tradition calviniste) qui s’affichèrent comme « évangéliques » par opposition au protestantisme libéral. En France, l'Union des Églises évangéliques libres (UEEL) est créée en 1849, dans l'affirmation de l'attachement à la Réforme et dans le refus de toute emprise de l'État sur son organisation et ses activités (refus d'un Concordat). Elle n'a pas souhaité faire partie de l'Église réformée de France (ERF), lors de la création de cette instance en 1938. Confédérée à la Fédération des Églises évangéliques baptistes de France (depuis 1987) et à la Fédération internationale des Églises évangéliques libres, l'UEEL fut membre fondateur de la Fédération protestante de France en 1905, lui fournissant d'ailleurs, en la personne d'Édouard Gruner, son premier président (1905-1927). Elle s'en est éloignée au début des années soixante, mais y est revenue en 1996 (lien) et Claude Baty, libriste, en est l’actuel président depuis 2007. Cette mouvance a formé ses pasteurs soit à la Faculté libre de théologie réformée d'Aix en Provence (dite maintenant « protestante et évangélique » et qui, a adopté le nom de Jean Calvin à son fronton), soit à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine. Attention ! Encore faut-il vérifier chaque cas ! par exemple, les Réformés du canton de Vaud en Suisse ont une Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) où les libéraux sont actifs (1). Du côté des luthériens, on a aussi assisté à la même réaction anti-libérale, mais la dénomination « évangélique » étant déjà prise, cela a donné l'Église évangélique luthérienne - Synode de France et de Belgique (EEL-SFB).
(1) ajout de Pascal Acker, à réception de ce texte - en fait la plupart des Eglises réformées de Suisse (22 sur les 25 Eglises cantonales que compte la Fédération des Eglises protestantes de Suisse) ont adopté cette dénomination dès le début du XVIème siècle (lien).
Au XIXème siècle, le pentecôtisme a connu un développement international à partir des Etats-Unis et on le retrouve sous des appellations très diverses dont des Eglises indépendantes qui se disent « évangéliques » et dans les mouvements charismatiques au sein de l’Eglise catholique. Sociologiquement on peut parler d’une mouvance pentecôtiste parfaitement cohérente dans son contenu et son style.
Mais bien au-delà de la mystique pentecôtiste et de ses effets physiques sur les personnes qui y adhèrent, une dernière vague « évangélique » d'un autre style représente un christianisme conservateur, voire réactionnaire, plus politisé, assurément dogmatique, plutôt rationnel à partir d'argumentaires bibliques, très rodé pour les effets de scène et les manipulations de foules, les manifestations de rue aussi, mais aussi très social et travaillant dans la proximité (dans la rubrique « le christianisme évangélique » de nos Etudes unitariennes, nous avons avancé le concept d’Eglises évangéliques indépendantes afin de les distinguer des Eglises protestantes qui se rattachent à une confession historique, Eglises pentecôtistes incluses) (lien). La carte ci-jointe donne le nombre d'Eglises indépendantes de dénomination "évangélique" par département en France.
Sans compter bien entendu, au gré des siècles, les mouvements de Réveil qui, par définition, prétendent secouer l’inertie et la foi attiédie des autres Eglises !
Entre pureté nostalgique d’un retour aux sources et pesanteurs de l’histoire, il en résulte un qualificatif tellement polysémique qu’il n’a plus grand sens de prime abord. Il faut nécessairement resituer l’Eglise qui s’en affuble dans son contexte historique afin d’en comprendre le pourquoi.
Une aubaine pour les Eglises protestantes luthériennes ou réformées (ou « unies » comme en Belgique avec l’EPUB et en France avec l’EPUdF) qui souhaitent renflouer leurs rangs en s’ouvrant à ces chrétiens qui se disent protestants d’une façon générale mais qui n’ont pas de filiation avec les Réformes protestantes du XVIème siècle. Pour les chrétiens progressistes, ils inspirent indéniablement de la méfiance quant à l’utilisation incantatoire des textes sacrés, idem au niveau politique au regard de l’évolution des mœurs, et une certaine rigidité militante proclamant l’Evangile d’une façon littérale et dogmatique, bref, un mot complètement plombé ! Ceci dit, il ne convient pas d’enfermer une personne dans une catégorie, dans une appartenance dénominationnelle, mais de la percevoir dans un itinéraire religieux et spirituel pouvant être complexe et dans sa propre pratique. Aux Etats-Unis, des évangéliques réagissent eux-mêmes contre la politisation droitière des milieux évangélicaux et se déclarent « évangéliques libéraux » …