réunir par les échanges, l'amitié et le culte tous les chrétiens qui n'adhèrent pas au dogme de la Trinité
Théodore Monod, unitarien jusqu’où ? par Jean-Claude Barbier, article à la Une du bulletin n° 120 de la Correspondance unitarienne d'octobre 2012.
Théodore Monod ne s'est jamais dit unitarien proprement dit, sans doute parce que cela n'aurait pas été forcément compris dans les milieux protestants, même si sa paroisse, l'Observatoire du Louvre, a eu et a encore des pasteurs libéraux. Mais il se disait "chrétien pré-nicéen", ce qui équivaut finalement à la même chose.
Il a patronné la première association unitarienne, l'Association unitarienne française (AUF), en qualité de président d'honneur, la cheville ouvrière en étant Albert Blanchard-Gaillard, qui était alors professeur d'histoire à Marseille et, sur le plan religieux, franc-maçon de spiritualité chrétienne. C'est autour de sa personne que, en juillet 1986, en marge d'un colloque organisé par le chapitre (Chapter) « Europe et Moyen-Orient » de l'International Association for Religious Freedom (IARF) à la Faculté libre de théologie protestante de Montpellier, que se sont réunis une dizaine de personnes, principalement des protestants libéraux français et deux Américains unitariens. L'association fut déclarée selon la loi 1901 en février et il en fut le président d'honneur jusqu'en 1996. Il prit sa charge très à coeur : les statuts de l'association donnèrent lieu à échange de correspondance entre Albert Blanchard-Gaillard et lui, et il vint à toutes les AG (qui eurent lieu statutairement tous les 2 ans). Mieux, dans les années 1990, il participa aux cultes unitariens qui furent accueillis au presbytère de l’Observatoire du Louvre, à Paris (Philippe Vassaux était alors pasteur de cette paroisse), mais ces cultes (animés par un franc-maçon qui n’était pas de culture protestante) cessèrent faute de participation suffisante et régulière.
Théodore Monod voyait l’unitarisme comme un courant chrétien, en pleine continuité avec l’Eglise historique des unitariens en Transylvanie (fondée en 1568 avec la Réforme anti-trinitaire). Il n’était pas d’accord pour l’ouverture de cette tradition à d’autres croyants, voir à des non croyants pratiquant les valeurs évangéliques sans avoir la foi chrétienne. Lui et Albert Blanchard-Gaillard considéraient l’unitarisme-universalisme américain comme une dérive, un peu comme un New-Age nébuleux et syncrétique. Si bien que, lorsqu’une majorité occasionnelle, décida en AG de septembre 1996, de s’ouvrir à toutes les autres religions révélées (ce qui, somme toute, restait encore loin de l’interfaith pratiqué par les congrégations unitariennes-universalistes américaines), il refusa – et, toujours avec Albert Blanchard-Gaillard comme cheville ouvrière – il se retrouva comme président d’honneur à la tête d’une nouvelle association unitarienne statutairement chrétienne (d’une part avec référence à Dieu et, d’autre part, à la personne et à l’enseignement de Jésus) : l’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (qui déposa ses statuts en février 1997) et qui est toujours active ; voir son site ( lien). A noter que la première association, l’AUF, a cessé ses activités après 2003 et s’est dissoute en janvier 2006.
Il reste de cette participation de Théodore Monod la volonté des unitariens français de maintenir une identité chrétienne pleine et entière – c’est le rôle de l’AFCU – même si, à partir de novembre 2005, l’AFCU accepta de poser sa candidature au réseau mondial qu’est l’International Council of Unitarians and Universalists (ICUU), fondé en 1995 et où se retrouvent toutes les sensibilités de l’unitarisme contemporain dont l’unitarisme-universalisme américain.
Ces sensibilités étant très diverses, allant de la foi chrétienne à l’athéisme spirituel, il est impossible de les faire cohabiter dans une même association, si bien que dès sa fondation en octobre 2002, le réseau de la Correspondance unitarienne, basé à Bordeaux, a milité pour le pluralisme associatif, le travail en réseau avec le respect des identités des uns et des autres, l’ouverture à tous pour les activités gérées par les chrétiens unitariens (bulletin mensuel de la Correspondance unitarienne, groupe de discussion Unitariens francophones sur Yahoo, Cahiers Michel Servet, etc.), et, bien sûr, les échanges avec les autres communautés unitariennes du monde entier.
Le même esprit anime l’Eglise unitarienne francophone (lancée en juin 2008 sur Internet), ouverte également à tous et pas seulement aux chrétiens et qui pratique l’interfaith dans le cadre de célébrations libres, mais où l’on parle volontiers de Jésus et de Dieu et où la Bible est citée. Signe de cette maintenance chrétienne est le choix du pasteur de cette nouvelle Eglise « on line », titulaire de sa chaire, qui est la révérende Maria Pap, ministre du culte de notre Eglise historique (fondée en 1568 par l’évêque Ferencz David), l’Eglise unitarienne de Transylvanie ; un accord de partenariat est d’ailleurs en cours entre cette Eglise et la nôtre pour officialiser cette relation.
Théodore Monod est décédé le 22 novembre 2000, avant cette évolution. Il est donc difficile de savoir s’il l’aurait avalisée. Le protestantisme a toujours accompagné ses credo de dissidences institutionnelles, mais il a su aussi, ne l’oublions pas, mettre sur pied de larges fédérations. Qu’une association chrétienne s’inscrive dans une mouvance plus large n’est donc pas antinomique au protestantisme, à la condition toutefois que la composante confessante ne se dilue pas dans l’eau ! C’était son soucis et je crois pouvoir dire que, sur ce point, il a été respecté. En cela, sa figure reste titulaire de l’unitarisme français contemporain qui a su évoluer dans la continuité, sans rupture.
Bibliographie –
PROKOP Karel, 1988 et 1989 – Le Vieil homme et le désert, puis Le Vieil homme, le désert et la météorite, 1 DVD, diffusé par l’INA en 2008
VRAY Nicole, 1994 – Monsieur Monod, Actes Sud, 464 p., 11,70 euros
BLANCHARD-GAILLARD Albert, 2000 - Théodore Monod (1902-2000), Explorateur et savant, humaniste et chrétien libre, mis en ligne en novembre sur le site Profils de Libertés (lien).
BLANCHARD-GAILLARD Albert, 2001 - 2001 - " Théodore Monod, notre ami unitarien (1902 - 2000) ", Recherches unitariennes, n° 9, début 2001,
BERNE Mauricette et MONOD Ambroise (sous la direction de), 2010 – Théodore Monod, Archives d’une vie, Editions du Chêne, 240 p., 45 euros.
FRAYSSE Louis, 2012 – Regard sur Théodore Monod : les différentes facettes du célèbre naturaliste (« L’homme multiple ») ; entretien avec Ambroise Monod, son fils cadet ( « Le nomadisme de sa pensée théologique ») ; sa relation avec le Muséum national d’histoire naturelle (« La maison de Monod »), dans Réforme, début mai.
REUSSNER Caroline, 2012 – Théodore Monod, une météorite dans le siècle, documentaire à voir sur Ushuaïa TV (lien) (émission les 5, 7 et 15 mai).
OGER Jacques, 2012 - Théodore Monod, un nomade entre terre et ciel, film France 2, Agora, 56 minutes DVD de la Fondation Bersier ( lien)