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réunir par les échanges, l'amitié et le culte tous les chrétiens qui n'adhèrent pas au dogme de la Trinité

la prédestination (2)

"La prédestination pour les nuls", par le pasteur Louis Pernot, Eglise réformée de l’Etoile, prédication du dimanche 27 septembre 2009, Eph 1:3-14 ; Rom 8:29:30 ; Eccl 9:7-9. Enregistrement audio en fichier mp3


La question de la prédestination est souvent posée aux protestants. On sait en effet que Calvin s'est illustré en défendant avec beaucoup de vigueur cette théorie. Pourtant, peu de gens savent effectivement ce qu'il faut en comprendre. Pour beaucoup, l'idée de prédestination évoque celle d'un destin écrit à l'avance, comme si Dieu avait "préprogrammé" tout ce qui devait arriver dans notre vie ... Il y a évidemment la notion de "destin" qui est là sous-jacente : c'est ainsi par exemple que lorsque quelqu'un échappe à un grave danger, certains disent "ce n'était pas son heure ..." - ce qui laisse supposer que l'heure de sa mort future était déjà écrite quelque part dans le ciel ...

Or, ce n'est pas du tout de cela qu'il est question dans la notion de "prédestination" :


Ma lecture de l'Évangile me conduit à être absolument hostile à ce genre de pensée dès lors que je crois qu'il n'y a pas de "destin" dans nos vies. Mais que l'avenir est ouvert, pour nous comme pour Dieu. Je crois que nous avons en Christ une vraie liberté. Et que nous ne faisons pas dans notre vie que dérouler le fil d'une histoire qui serait écrite par avance. D'ailleurs, dans la Bible, nous voyons sans cesse Dieu devoir s'adapter aux décisions des hommes, et justement, le principal de la prédication des prophètes est de mettre en garde, d'inviter à se repentir, à changer de voie ...


Il y a donc bien là l'idée que l'homme est responsable de ses propres choix, que Dieu peut nous inviter à en préférer certains à d'autres, mais qu'Il ne peut pas nous imposer quoi que ce soit - ni même d'une certaine manière "pré-voir" ce que l'homme décidera.
C'est toute la notion "d'alliance" qui est présente là et une alliance ne peut se concevoir qu'entre individus souverains et libres.


Mais pour revenir à la prédestination calvinienne, il s'agit de tout autre chose donc. C'est une doctrine qu'il n'a pas inventée, mais qu'il a reprise de Saint Augustin.
Et pour l'un comme pour l'autre, la prédestination ne concerne pas les actes quotidiens, ni ce que l'on peut faire matériellement dans sa vie, ni ce qui nous arrive, mais concerne notre salut, à savoir que notre salut ne dépend pas de nous, mais seulement du décret éternel de Dieu qui destine chaque homme au salut, ou à la perdition.


On comprend comment Calvin a pu en arriver là. Dans le christianisme médiéval, on prêchait souvent une forme de salut par les œuvres, en brandissant la menace de l'enfer. Le but était certainement, par la perspective d'un châtiment, d'inciter le peuple à bien se comporter, mais cela avait un effet négatif et utilisait des ressorts égoïstes incitant à faire des bonnes œuvres par intérêt, dans le but de se sauver. La Réforme, redécouvrant l'Évangile comme une Bonne nouvelle, ne put accepter cela. Elle redécouvrit avec force la notion de la Grâce, du Salut que Dieu peut offrir même à un pécheur et celle de la gratuité de l'amour.


La Réforme a opéré ainsi une certaine révolution dans la prédication chrétienne, en disant non plus : "Faites des bonnes œuvres pour être sauvés " mais plutôt ... "Vous êtes sauvés par grâce, faites des bonnes œuvres en reconnaissance pour ce salut qui vous est offert - non pas par intérêt, mais par amour ".


Cela est très beau et généreux. Mais le problème, c'est que dans l'Évangile, il ne semble pas que tout le monde soit sauvé. Il y a des sauvés et des réprouvés. Or, si le salut ne dépend que de Dieu, alors c'est que Dieu veut en sauver certains, et laisse les autres à la perdition ... Et là, nous tombons dans une doctrine à peu près inacceptable pour notre esprit moderne : celle d'un arbitraire divin, d'un Dieu qui aurait créé des hommes et qui finalement choisirait délibérément de les damner... C'est impossible. D'ailleurs, du temps même de Calvin, cette doctrine a soulevé de graves oppositions et tous les Réformateurs étaient loin d'y adhérer. Aujourd'hui, plus grand monde n'admet cette doctrine de la prédestination calvinienne, même chez les protestants.


Si l'on veut reprendre la question d'un point de vue Biblique, on s'aperçoit que le mot de "prédestination" se trouve dans la Bible, certes, mais pas dans le sens que lui donnait Calvin. On trouve le terme dans les lettres de Paul, pour affirmer essentiellement que tous les hommes sont "prédestinés" à être semblables au Christ, c'est à dire à être sauvés (Rom 8:29).


La prédestination de Dieu concernant les hommes est donc son projet : ce à quoi Il nous destine. Mais ce but n'est pas toujours atteint, parce qu'il dépend aussi de la liberté et de l'acceptation de l'homme. Le projet de Dieu, il est affirmé au moment de l'acte créateur, il dit alors, selon la Genèse : " créons l'homme à notre image selon notre ressemblance " or la suite du texte nous montre que l'homme n'est effectivement créé qu'à l'image de Dieu, le texte n'évoque plus la ressemblance, celle-ci ne va pas de soi, elle reste le travail de l'homme. Nous pouvons donc dire que nous sommes tous prédestinés à être sauvés, mais, peut-être que nous ne serons pas tous sauvés. On pourrait reprendre là le célèbre verset de Paul : " C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, ce qui ne dépend pas de vous, c'est le don de Dieu " (Éph 2:8)

Certes, il y a une prédestination, mais celle-ci n'est pas nécessairement une "prédétermination".


Je ne veux pas dire que la doctrine de la prédestination calvinienne n'ait aucun fondement biblique (On pourrait en particulier citer le très difficile texte de Romains, Rom 9:20-23), mais en tout cas, il n'utilisait pas le mot dans le même sens que Paul. Il s'agit d'une thèse théologique personnelle, à laquelle aucun protestant n'est obligé de souscrire.


On pourrait néanmoins réinterpréter autrement la doctrine de la prédestination de Calvin (ou de Saint Augustin ...) pour la rendre plus admissible. Ce qui est le plus critiquable, en fait, provient au départ de l'idée de couper l'Humanité en deux, les bons d'un côté et les mauvais de l'autre. Les choses ne sont certainement pas aussi simples, et on pourrait préférer considérer qu'en chaque homme il y a du bon et du mauvais, et qu'en chacun, il y a une part qui vaut d'être sauvée, et une autre qui ne vaut rien du tout. On peut dire alors que ce qui ne vaut rien en nous est prédestiné à être perdu et oublié (ce qui est finalement une forme de bonne nouvelle) et que le meilleur de nous, le spirituel, lui, est prédestiné à être sauvé. Dans ce cas, alors oui, on peut admettre cette doctrine, même si ce n'est certainement pas non plus ce que voulait dire Calvin ...


Mais même si l'on considère que cette doctrine est fausse intellectuellement dans sa signification la plus basique, on peut néanmoins penser qu'elle a quelque vertu
: elle permettait en particulier de dire aux chrétiens : " Ne vous préoccupez pas de votre salut, c'est une préoccupation médiocre, la seule chose qui doit vous préoccuper, c'est de faire le bien, d'aimer, de donner, de servir, et tout cela gratuitement, sans rien attendre en retour, par amour. Comportez-vous donc, sans angoisse, sans crainte, sans vision de punition ou de rétribution... ". Être chrétien, c'est être libre, joyeux, et reconnaissant ...


Bien sûr, la question est alors : " Peut-on être sûr d'être sauvé ? " Mais là Calvin avait la réponse : " Oui, le simple fait de se poser la question est preuve de l'Élection. " Donc les damnés ne s'en rendent même pas compte et n'en souffrent pas, ils sont tellement éloignés de Dieu et de tout cela qu'ils n'en ont même pas l'idée. Ils sont du rien qui retourne au rien. Donc, oui, la doctrine de la prédestination disait bien à ceux qui l'entendaient qu'ils devaient être sûrs de leur salut comme d’une grâce extraordinaire qui leur avait été offerte.


Aujourd'hui, nous aurions une façon plus moderne de dire les choses : on ne parlerait plus de "salut", ou de "perdition", mais plutôt, par exemple, du fait de "réussir sa vie".
Si l'on veut prendre cette notion, par exemple, pour la superposer à celle de la prédestination, alors le message serait de dire : " Vous n'avez pas à " réussir votre vie ". Votre vie est déjà acceptée. La vie n'est pas un examen de passage. Il n'y a pas à mériter, ou à démériter. Il n'y a pas d'angoisse à avoir, et quoi que nous réussissions ou rations dans notre vie, nous sommes acceptés et aimés par Dieu ". Saurais-je passer dans la classe supérieure, avoir mon bac, ne pas être au chômage, ne pas divorcer ?


On fait ce que l'on peut, mais de toute façon Dieu nous a accepté et aimé quoiqu'il nous arrive.
C'est donc une bonne nouvelle, c'est un discours qui peut nous conduire à une sorte de dé-préoccupation salvatrice de nous-mêmes. Ne nous préoccupons pas de "réussir" notre vie, ni d'être sauvé ou non, laissons cela à Dieu et considérons que c'est une affaire déjà réglée ... Positivement en plus ! Et préoccupons donc nous sans arrière pensée de ce que nous pouvons faire aujourd'hui dans ce monde et pour nos frères. C'est à partir de cela que l'être peut se libérer de sa propre angoisse pour se tourner vers les autres, peut accepter une vocation sans crainte, et finalement même sortir de son propre égoïsme pour découvrir la vraie nature de l'Amour : de l’Amour qui est don et gratuité.


Peut-être finalement ne faut-il garder que cela de cette doctrine de la prédestination, c'est que Dieu a choisi de nous sauver même si nous ne le méritons pas. Il a choisi de nous aimer et de tout nous donner - non pas en fonction de nos réussites personnelles mais simplement parce qu'il nous aime.


C'est donc une formidable bonne nouvelle : tout ça dépend de lui seul et pas de nous, c'est un vrai "cadeau". Que cela nous rende pour toujours joyeux, libres et reconnaissants.

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