réunir par les échanges, l'amitié et le culte tous les chrétiens qui n'adhèrent pas au dogme de la Trinité
Cette Eglise " hollandaise " est née d’une réaction contre les thèses de Jean Calvin qui suppriment tout libre arbitre chez l’homme.
Sébastien Castellion aura joué, en cela , un rôle décisif. Fauste Socin, en séjour à Bâle entre 1574 et 1578, s’enquiert des manuscrits de Sébastien Castellion (mort depuis 1563) qui avait correspondu et peut-être collaboré avec son oncle Lelio. Il publie des documents où cet auteur critique la prédestination calvinienne, et ceux-ci intéressent vivement le théologien hollandais et catholique Coornhert (1522-1590). " Dans une page de Castellion, écrit-il en 1580, je trouve plus de vérité, plus de piété et d’édification que dans tous les livres de Calvin et de Bèze ". Les écrits de Coornhert influenceront à leur tour le théologien protestant Jacobus Arminius (non latinisé de Jacob Harmensz / Hermann, 1560-1609). Par ailleurs, la critique par S. Castellion de Jean Calvin, " Contre le libelle de Calvin " (l’opuscule par lequel J. Calvin essaya de justifier la mise sur le bûcher de Michel Servet en octobre 1553), rédigé en 1554 à Bâle, est enfin publié en 1612 aux Pays-Bas.
Krzysztof Ostorodt et Andrzej Wojdowski, de la Petite Eglise polonaise (anti-trinitaire), arrivent à Amsterdam en 1598, porteurs d’une lettre d’introduction du roi de Pologne pour que bon accueil leur soit réservé et d’une littérature socinienne, dont le De Jesu Christo Servatore que Fausto Socini rédigea en 1594. Mais ce premier contact s’avéra négatif car les remonstrants, déjà accusés par leurs adversaires de pélagianisme, ne voulurent pas ajouter un autre motif, celui d’accueillir des anti-trinitaires et des anabaptistes ! (voir l’article de Luisa Simonutti dans Théolib n° 27 de septembre 2004 : " Entre hollandais arminiens et polonais sociniens ").
église des Remonstrants à Dordrecht.
Les arminiens, disciples du théologien J. Arminius, reçoivent en 1610 une première "remontrance" pour avoir manifesté de l’intérêt pour ces nouvelles idées. Ils se regroupent alors, au nombre de 44 pasteurs, autour d’une charte des "remonstrants" ; puis ils sont condamnés sans appel par le synode national hollandais tenu à Dordrecht en 1618-1619 qui s’en tient à la stricte orthodoxie et qui fonde la Hollande calviniste.
Aujourd’hui, une exposition à l’intérieur de la grande église du centre de Dordrecht (la "Grote Kerk") tire gloire que ce synode eut lieu dans la ville, mais ne s’attarde guère sur les enjeux théologiques ni sur des décisions qui firent, pour longtemps, de l’Eglise réformée hollandaise (Dutch Reformed Church), un modèle de conservatisme religieux. Sa filiale en Afrique du Sud, la Nederduitse Gereformeerde Kerk (NGK) / Eglise réformée hollandaise soutint la politique de l’Apartheid et la pratiqua en organisant en son sein des ecclesia séparées, les Blancs d’un côté, les Noirs de l’autre.
Les premiers "hérétiques" du calvinisme, après s’être ainsi démarqués du socinianime, accueillent finalement les Frères polonais qui sont chassés de leur pays en 1660. On leur doit la publication des œuvres sociniennes (bien qu’ils ne se rallient pas aux thèses anti-trinitaires) et celles de Sébastien Castellion. Leur Eglise fut enfin reconnue officiellement en 1795.
On retrouve des remonstrants à Java, en Indonésie car, persécutés, ils s’exilèrent en cette lointaine colonie hollandaise ; lorsque le roi Guillaume III, jouant les Constantin, réunit, en 1835, toutes les Eglises présentes en Indonésie sous la seule bannière de l'Eglise indienne (Indische Kerk), les remonstrants avaient la leur - ils se retrouvèrent donc au sein de la nouvelle Eglise avec des luthériens, des mennonites et des réformés (calvinistes).
enseigne de l'église remonstrante d'Alkmaar (R pour remonstrants et K pour kerk = église, et la date de construction de l'église, 1728)
L’Eglise des remonstrants fondée en 1619 au lendemain de synode de Dordrecht en qualité de Fraternité (The Remonstrant Brotherhood), s’affirme toujours congrégationaliste : soit 44 communautés indépendantes (dont certaines se dénomment " Remonstrant Reformed Congregation "), et quelques 8 000 fidèles. Les remonstrants ont fondé un séminaire en 1634 à Amsterdam, lequel est, depuis 1873, associé à la Faculté de théologie de l’université de Leyde (Leiden).
Récemment, la grande Eglise Protestantse Kerk in Nederland (PKN) a accepté que les hérétiques du calvinisme fréquentent ses propres paroisses. Un grand bond en avant dans l’œcuménisme !
"Présentation des remonstrants aux francophones" par Jean-Claude Barbier, publié en 2005 sur le site de l’ELPN