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Jean-Claude Barbier, membre permanent du conseil d'administration de l'AFCU, adresse

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6 octobre 2010 3 06 /10 /octobre /2010 17:56

Pour décrire des diverses emprises religieuses sur la société civile, on constate que notre vocabulaire est à géométrie variable selon les religions.


Pour les Juifs particulièrement ritualistes et rigoristes, on parlera volontiers de Juifs « orthodoxes » par opposition aux Juifs libéraux qui, eux, font preuve de plus de souplesse. On réservera le qualificatif d’ultra-orthodoxes pour des Juifs qui imposent leur communautarisme aux quartiers et aux villes où ils sont nombreux, par exemple en faisant pression sur les commerçants pour qu’ils baissent leur rideau au début du sabbat, et qui rêvent d’un Grand Israël.


Pour les musulmans, on précisera « islamistes » pour ceux qui, en plus d’être dévots, de valoriser leur religion par le prosélytisme (les « islamiques ») veulent en faire plus et dominer la société civile par la force si nécessaire – ce qui correspond sur le plan politique à la différence entre le patriotisme et le nationalisme, le suffixe « isme » indiquant ici un excès. Les djihadistes ne se contentent pas d’une pieuse mobilisation par la prière (le djihad spirituel), mais cautionnent volontiers la guerre sainte et le terrorisme.


Les hindous seront dits « extrémistes » lorsqu’ils provoqueront des heurts avec des milieux musulmans ou chrétiens, refusant tout dialogue inter-religieux.


Les protestants sont dits « austères », « puritains », lorsqu’ils appliquent une morale rigoriste. On les dira « fondamentalistes » lorsqu’ils voudront étendre ces prescriptions à l’ensemble d’une société ; les chrétiens évangéliques américains sont par exemple souvent visés ainsi, à la fois pour leur ultra conservatisme et leur activisme politique. Mais le fondamentalisme est un retour aux textes fondateurs et n’implique pas un intégrisme proprement dit. Les témoins de Jéhovah sont fondamentalistes mais sont apolitiques et ne cherchent pas à imposer leurs règles de vie aux autres. Les Amish sont très traditionalistes puisqu’ils se réfèrent au mode de vie rurale des milieux suisse, alsaciens et allemands du 17ème siècle ! mais ils vivent cet idéal au sein d’isolats communautaires sans gêner autrui.


Chez les catholiques le qualificatif de fondamentaliste est également ambiguë car il désigne bien souvent des traditionalistes qui veulent la messe ancienne et le latin, sans pour autant remonter jusqu’au christianisme des origines.


Pour tous ces croyants entiers et carrés dans leur foi, le passage à la politique est fréquent, mais non automatique. Nous proposons d’appeler par intégrisme ce passage au politique en tant que groupe ou mouvance religieuse.


Définition de l’intégrisme par Christian Godin (Dictionnaire de philosophie, 2004, éd. Fayard / Edition du Temps, p. 670) : « Doctrine réactionnaire, radicalement anti-moderniste, en matière de politique religieuse. Né au sein du catholicisme * l’intégrisme ne se contente pas, comme le fondamentalisme protestant, de vouloir un retour à la pureté des textes d’origine. Il vise l’instauration de l’ordre religieux dans les affaires de l’Etat. Le terme a été appliqué à certaines tendances de l’islam, du judaïsme et de l’hindouisme ».


Le Larousse illustrée 2000 : « Attitude et disposition d’esprit de certains croyants qui, au nom d’un respect intransigeant de la tradition, se refusent à toute évolution ». Intégriste : « qui fait preuve d’intransigeance, d’un purisme excessif ».


L’origine de ce terme est espagnol ainsi que le rappelle Emile Poulat, historien et sociologue des religions : « Le terme est attesté pour la première fois en Espagne, à la fin 19e siècle : on désigne sous cet adjectif une branche minoritaire des carlistes, les partisans de l’infant Charles. Vers 1880, un certain Ramon Nocedal se détache de cette mouvance pour mener une politique qu’il veut déduite du Syllabus, le grand résumé des erreurs libérales promulgué par Pie IX en 1864 » (« Intégrisme : un terme qui vient de loin », sur le site Croire.com, lien).

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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 11:09

Les Eglises « exclusives » conditionnent la participation de leurs fidèles à plusieurs préalables que ce soit des sacrements, à commencer par le baptême, à un credo, à une déclaration de foi pour les ministres du culte, à des prescriptions morales et autres, etc. Sur ces critères, on peut être « excommunié » en cas de défaillance, déclaré hérétique, mis à l’index, etc.

Par contraste, on a au contraire des Eglises « inclusives » qui, elles, ouvrent les portes et les fenêtres. Les « non-subscribing » en Irlande et en Ulster ont, historiquement, rejeté la profession de foi qui était exigée des pasteurs par l’Eglise anglicane ( lien). D’une façon générale, le protestantisme libéral resitue les credo comme expression de la foi communautaire à un moment donné dans un contexte donné, mais n’en fait plus un absolu.


Les congrégations unitariennes-universalistes, qui se sont constituées aux Etats-Unis au XXème siècle, à partir d’un christianisme d’ouverture, offrent un bon exemple d’inclusivité en pratiquant le multi-faith, l’acceptation de toutes les fois (que celles-ci soit religieuses, liées à une spiritualité ou encore de nature philosophique) (lien). L’Eglise unitarienne francophone (fondée en 2008) fonctionne aussi d’une façon inclusive ( lien), mais tout en maintenant les identités.


Entre ces deux modèles, nous avons des communautés identitaires de type démocratique, vivant selon leur propre conviction, mais sans rejeter ni critiquer les autres identités, cohabitant avec elles, voire – mieux -travaillant avec elles sur des chantiers communs. Par exemple, l’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU) est à la fois identitaire - car elle regroupe des croyants en Dieu et fait référence à la personne et à l’enseignement de Jésus - tout en étant disposée à œuvrer avec les autres religions libérales.


Il y a aussi les Eglises latitudinaires qui sont ouvertes à plusieurs théologies

Larousse.jpgPour le Littré de 1880, ce mot est synonyme de laxisme !
LATITUDINAIRE (s. m.)
1. Terme de théologie. Celui qui se donne trop de liberté dans les principes de religion, ou qui en parle trop librement. Des principes latitudinaires.
2. Membre d'une petite secte [sic !] qui croyait que tous les hommes seront sauvés ; on disait aussi universaliste (XVIe et XVIIe siècles).
Comme synonymes : une morale permissive, relâchée. Le dictionnaire analogique aligne ce mot avec d’autres qui ne sont pas à son avantage ; c’est le moins qu’on puisse dire ! Jugez par vous mêmes : qui est sans morale, immoral, amoral, cynique, sans scrupules, misanthropique, laxiste, sans foi ni loi, indifférent, grave, (sic !)
C’est un vieux terme précisent les dictionnaires.
  

Kant (1724-1804) reprend ce laxisme supposé des latitudinaires et, contre sens total ou théologie bornée de sa part, en fait un synonyme du syncrétisme ! En effet, il appelle latitudinaire « celui qui, par indifférence au syncrétisme, applique à l’homme des déterminations opposées et conclut à un point de vue indifférentisme en matière historique » (Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, éd. Fayard / éditions du Temps, 2004, p. 720).


En fait, le mot provient de « latitude », du terme latin « latitudo » qui indique la largeur. Il s’agit donc d’une théologie ouverte qui accepte un faisceau de doctrines proches les unes des autres, mais quand même pas contradictoires ! Les universalistes, au XVIIIème siècle, en Angleterre puis aux Etats-Unis, professaient que tous les hommes étaient promis au salut, nonobstant leur péchés, dès lors qu’ils gardent la foi et recherchent la vérité – le salut était universel et pour tous. Ils rejoignaient ainsi les unitariens et furent rejoints ensuite par les libéraux. Les puritains, par contre, maintenaient l’enfer comme lieu de punition !


L’Eglise réformée de France (ERF) offre un bon exemple d’Eglise latitudinaire en acceptant en son sein des pasteurs luthériens, baptistes, unitariens*, etc. , en plus bien entendu des pasteurs calvinistes / réformés.
* l’Américaine unitarienne, Lucienne Kirk, exerça comme pasteur dans les Cévennes de 1987 à 1990 ; elle était alors présidente d’honneur de l’Association unitarienne française (AUF) qui venait d’être fondée en 1986. Plusieurs pasteurs de l’ERF, protestants libéraux, ont des convictions unitariennes et ne s’en cachent pas.


On pourrait tout aussi bien parler de christianisme ouvert.

En fait, dans les sociétés modernes et démocratiques ou l’individuation peut se développer librement, même les communautés paroissiales des Eglises exclusives regroupent des fidèles dont les croyances personnelles sont des plus diverses et parfois contradictoires. En se proclamant « inclusives » les assemblées unitariennes-universalistes font d’abord preuve de réalisme !

 

Il leur reste à fonder leur cohésion sur autre chose que l’affirmation de croyances communes, comme par exemple une éthique du dialogue, des échanges, des mises en commun. L’écoute mutuelle entre les fidèles, le partage des convictions et des vies personnelles, les gestes fraternels de communion soudent la communauté tout autant sinon plus que les discours et prières de type communautaires (et communautaristes !).

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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 17:56

Il faut imaginer nos appartenances, religieuses entre autres, comme des poupées gigogne qui s’emboîtent ou encore comme des cercles concentriques de plus en plus larges.

 

Le premier cercle est celui des militants actifs au niveau institutionnel, clercs ou laïcs, qui animent les associations, mouvements, communautés locales ou Eglises : participation à un bureau ou à une équipe, organisation de rencontres, de conférences débats, d’un forum, tenue d’un blog ou d’un site, etc.

 

Tout autour, dans un second cercle tout ceux qui participent régulièrement aux activités, qui sont intéressés de recevoir des informations, d’être tenus au courant ; ce sont en quelque sorte des pratiquants réguliers.

 

Un troisième cercle est composé de sympathisants qui peuvent avoir d’autres appartenances par ailleurs, pour qui ce n’est pas forcément une appartenance première, centrale, mais qui peuvent participer occasionnellement. Nombre de ces sympathisants partagent les idées, les valeurs, mais n’ont pas le temps de participer plus activement ; ils sont néanmoins heureux de se rattacher même de façon lointaine à une mouvance qui leur semble sympathique, positive. Pour certains c’est même un soulagement de savoir qu’ils ne sont pas les seuls à penser ceci ou cela et cette référence suffit à leur bonheur, à les sortir de leur solitude sinon de leur culpabilité d’hérétique.

fraternite.jpgLa mouvance est d’abord une famille idéologique où les gens partagent des idées et des valeurs. Elle suppose des points communs, des références fondatrices d’un accord. Cela peut être une profession de foi, des textes fondateurs, un manifeste, le positionnement dans une même histoire, le vécu dans une même culture. Elle suppose que des échanges aient lieu, qu’une communication soit possible, qu’un travail en commun puisse se faire, qu’une entente existe.

Elle peut être interne à une Eglise, par exemple une mouvance libérale au sein d’une Eglise conservatrice, où une aile réformatrice sinon contestataire, dissidente. Elle peut aussi être transversale à plusieurs communautés : croyants libéraux de toute Eglise ou communautés, unissez-vous ! Elle a vocation à s’internationaliser.

La mouvance en tout cas ne supporte pas les animosités, les polémiques violentes, les exclusions. Elle peut fédérer des groupes et mouvements divers à condition que ceux-ci soient en osmose – ce qui n’est pas le cas pour toute fédération. En conséquence, la gestion d’une mouvance suppose une attention aux uns et aux autres, la négociation et la réalisation de synthèses, la circulation de textes et d’une littérature sélective, la prudence pour éviter les fractures, mais aussi l’affirmation d’une identité commune, d’un créneau bien précis, de lieux de ralliement, en tout cas d’une visibilité.

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 03:57

En Nouvelle Angleterre, dans le contexte de déchristianisation du XXème siècle, des Eglises universalistes ont fusionné avec d'autres Eglises protestantes : congrégationnalistes, baptistes du Nord, méthodistes ou, dans un cas, avec une assemblée quaker. Ces Eglises forment alors localement une "paroisse unie" ou une "Eglise locale fédérée" lesquelles adhèrent à plusieurs dénominations.

 

oecumenisme_churches-uniting-in-christ.gif

 

Le phénomène se rencontre au sein de nombreuses dénominations protestantes historiques. Le compte a été fait dans un article de UU world, le magazine de l'Unitarian Universalist Association (UUA) of Congregations, 26 congrégations adhèrent ainsi à plusieurs dénominations. Pour 25 d'entre elles qui sont en Nouvelle-Angleterre ou dans l'Illinois, d'orientation chrétienne, souvent d'anciennes Eglises universalistes, elles ont deux ou plusieurs affiliations (généralement avec l'Eglise unie du Christ -UCC - qui réunit les congrégationnalistes).

 

Les membres des Eglises locales fédérées continuent d'adhérer à leur dénomination d'origine. Sur le site de l'UUA, le compte reste précis ; par exemple pour l' Eglise unie de Winchester (dans le New Hampshire), sur les 119 membres, 6 d'entre eux se déclarent unitariens-universalistes. 

 

Pascal Acker, message au groupe Yahoo des Unitariens francophones le 12 mai 2010

 

ndlr - l'oecuménisme américain est important au sein des Eglises protestantes comme en témoigne le mouvement "Churches Uniting in Christ"

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 03:14

Je me suis intéressé aux écomusées étasuniens et j'ai découvert, sur le Net, Old Sturbridge, un village en Nouvelle Angleterre. Il rassemble des édifices des années 1790 à 1840, une période qui a vu s'épanouir les dénominations en Nouvelle-Angleterre après la séparation des Eglises et des Etats.

 

Meeting-house-old_sturbridge.jpgL'écomusée dispose d'une "meeting house" (maison de réunion) baptiste du nord et d'une "meeting house" quaker. Je pensais ce terme de "meeting house" réservé aux seuls quakers, mais le site explique que les Néo-Anglais appelaient souvent les lieux de culte de cette façon le terme church" (Eglise) étant utilisé pour désigner la communauté ecclésiale. En français, on écrit "église" avec une minuscule pour le bâtiment et "Eglise" avec une majuscule pour la communauté.

 

reconstitution d'une "metting house" à Old Sturbridge

 

Comme les fidèles d'autres dénominations protestantes de cette époque, des unitariens et des universalistes appelaient leurs lieux de cultes "meeting houses". Cet usage semble exister aussi en Grande-Bretagne.

 

A l'instar des quakers de la "Société religieuse des amis" ou des humanistes religieux des "sociétés éthiques", des unitariens-universalistes appellent simplement leurs congrégations "sociétés". Dans le cadre de l'unitarisme-universalisme, une nouvelle religion libérale qui n'est pas spécifiquement chrétienne, le terme Church est largement conservé, mais il arrive souvent que des fidèles appellent leurs congrégations "sociétés", leurs lieux de réunion "meeting houses" et n'utilisent pas ou plus le terme "Eglise".

 

Pascal Acker, message au groupe Yahoo des Unitariens francophones, le 12 mai 2010

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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 17:41

Ils relèvent des logiques sectaires (lien), mais en plus :


Ce sont des mouvements profondément réactionnaires,
politico-religieux de maintien d’une domination par une minorité ou prise de pouvoir par la force,
capables de financer des mouvements armés ou même d’avoir une organisation paramilitaire,
mobilisés sur des ennemis (réels, fantasmés, imaginaires),
et exprimant une haine des personnes (et pas seulement une lutte contre les idées).
Ils couvre systématiquement les passages à l’acte qui se font dans leurs rangs,
s’aménagent des vitrines légales et menant leurs activités par en dessous ou en toute clandestinité,

d’où une continuité entre une aile dite « modérée » par certains observateurs et une aile « activiste » versant sans état d’âme dans l'intimidation et parfois dans le terrorisme.

 

Exemples : mouvements islamistes djihadistes, sionistes ultra-orthodoxes, intégristes catholiques comme Dies Irae à Bordeaux (1), groupes racistes aux Etats-Unis brandissant la Bible, etc.

(1) groupuscule lié aux catholiques traditionalistes de la paroisse Saint-Eloi à Bordeaux et révélé par l'émission "les infiltrés" de France 2, fin avril 2010. Le fondateur en est Fabrice Sorlin, membre du Front national et que son parti présenta à des élections législatives.

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24 mars 2010 3 24 /03 /mars /2010 10:29

texte de Christian Baert (chrétien indépendant de sensibilité unitarienne évangélique, Gironde)  "Père, Pasteur, Monseigneur, etc."


Si l'on parle beaucoup de pénurie d'hommes d'Église au sein de la chrétienté, on ne peut pas dire qu'il y ait pénurie de titres religieux. Certains sont simples, d'autres prétentieux. Voici quelques exemples :

membre du clergé : "Le Révérend Père", "Mon Révérend".

évêque catholique  : "Son Excellence", et en Italie "Sa Grandeur et Révérendissime Monseigneur."

cardinal : "Son Éminence."

le pape : "Très Saint-Père."

 

Révérend - [...] Dans la bible du roi Jacques, le terme "révérend" n'apparaît qu'une fois, en Psaume 111:9, qui dit : "Saint et digne d'être révéré [reverend en anglais] est son nom.". Le nom de qui ? Le verset suivant répond : "La crainte du SEIGNEUR est le commencement de la sagesse." (Psaume 111 : 10). Une version catholique rend ces deux passages comme suit : "Saint et redoutable est son nom. Principe du savoir : la crainte de Yahvé." (traduction de Jérusalem). Ainsi, la Parole de Dieu enseigne que la crainte pieuse, ou révérence, revient exclusivement à YaHWe, le Tout-Puissant. Dès lors,convient-il de la témoigner à des humains ?

 

Evêque - "Si un homme désire l'office d'évêque, il désire une bonne oeuvre", a écrit l'apôtre Paul à Timothée (1 Timothée 3 : 1, bible du roi Jacques). Toutefois, ce même texte est ainsi traduit dans la Bible de Grosjean et Léturmy: "C'est une parole fidèle, que si quelqu'un désire être surveillant, il convoite une belle oeuvre." Les premiers chrétiens en charge de responsabilités étaient appelés "anciens" et "surveillants".

 

Ces termes étaient-ils utilisés comme des titres ? Non.  Ces hommes n'ont jamais été appelés "Évêque Pierre" ou "Ancien Jacques". [...] les hommes mûrs qui servent la congrégation ou l'assemblée chrétienne comme anciens ne font jamais du terme "ancien" un titre. Les mots "ancien" et  "surveillant" (évêque) s'appliquent à ceux qui sont investis d'autorité et occupent une position de responsabilité. Ces vocables font également référence aux qualités des hommes établis à cette position, ainsi qu'à l'oeuvre qu'ils accomplissent.

 

Cardinal - [...] la Nouvelle encyclopédie catholique (angl.) explique que le terme dérive du latin cardo, 'gond'. Pour reprendre les termes du pape Eugène IV : "de même que la porte d'une maison tourne sur ses gonds, de même le siège apostolique, la porte de l'Église, trouve fondement et soutien dans le cardinalat".  Le même ouvrage précise que "les cardinaux ont le privilège d'être appelés aussitôt "Éminences'". Leur statut leur permet en outre de porter une soutane et une barrette rouges [...].

 

Monseigneur - Les membres du clergé devraient-ils être appelés "seigneurs" ? Les évêques anglicans le sont. Les prélats catholiques portent souvent le titre de "monseigneur". Dans certains pays, les ministres de l'Église réformée hollandaise reçoivent celui de "dominee", titre dérivé du latin dominus signifiant "seigneur". Pourtant, Jésus a donné l'instruction suivante à ses disciples : " Vous savez que les chefs des nations exercent sur elles leur seigneurie (...). Il n'en est pas ainsi parmi vous" (Matthieu 20 : 25-26, Grosjean et Léturmy). De même, l'apôtre Pierre a écrit: " Non pas en faisant les seigneurs à l'égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau." (1 Pierre 5 : 3, bible de Jérusalem).


Lorsque Jésus, dans son humilité, a lavé les pieds de ses disciples, il leur a dit: "Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis" (Jean 13 : 13, bible de Jérusalem). Par conséquent, est-il normal que des hommes utilisent un titre religieux qui appartient à Dieu et à son Fils ?

 

Père - Que dire du terme "père" ? Ce titre est largement employé chez les catholiques et les anglicans. Pourtant, Jésus a enseigné ceci à ses disciples : " N'appelez personne votre 'Père' sur la terre: car vous n'en avez qu'un, le Père céleste." (Matthieu 23 : 9, bible de Jérusalem). [...]

 

Le pape est généralement appelé "Saint-Père". Mais, dans son entourage, c'est le titre de "Santissimo Padre" qui lui est souvent conféré, lequel signifie "Très Saint-Père". Le titre "Père saint" n'apparaît qu'une seule fois dans la Bible (Jean 17 : 11). Ce titre appartenant exclusivement à l'Être suprême, convient-il que des créatures "terrestres et imparfaites" le reçoivent ?

 

Une usurpation religieuse

 

Relisons Matthieu 23 : 1-12, ainsi que le contexte de ce passage. Jésus commence à parler des pharisiens, une secte marquante du judaïsme. Les pharisiens étaient légalistes : ils insistaient sur l'observance de chaque détail de la Loi mosaïque. Ils aimaient s'habiller et agir de façon à attirer l'attention sur eux-mêmes. Leur religion était celle de l'ostentation comme en témoignaient leur style de vêtements, leur manière d'occuper les places les plus en vue dans les repas, de rechercher les premiers sièges dans les synagogues et de se faire appeler par des titres honorifiques. Ils allaient jusqu'à exiger un plus grand respect que celui accordé aux parents. Ils voulaient être appelés "pères".  Cependant, Jésus montre que ses disciples sont tous égaux : ils sont fils de Dieu. Employer tout titre qui suggère le contraire, c'est usurper avec arrogance une position qui appartient à Dieu ; aussi Jésus interdit-il l'utilisation du mot "père" comme titre honorifique religieux. Il insiste sur le fait que ses disciples n'ont qu'un seul Père dans la foi

 

N'est-il pas évident que nombre d'ecclésiastiques se tiennent en un 'lieu saint' réservé à Dieu et à son Fils? Que l'on attribue souvent à des hommes imparfaits une révérence due exclusivement à Dieu et au Christ ? Les chrétiens n'ont qu'un terme pour s'adresser à leurs ministres : "frères'" (2 Pierre 3 : 15). [...] Voilà qui s'harmonise avec les paroles de Jésus: "Tous vous êtes des frères" (Matthieu 23 : 8, bible de Jérusalem).

 

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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 12:22
L’unitarisme contemporain, avec ses diverses sensibilités (chrétienne unitarienne, universaliste, unitarienne-universaliste), s’affirme comme religion libérale : pas de dogme, pas de doctrine, pas de profession de foi obligatoire. Les unitariens  adhèrent à des principes éthiques, ceux énoncés par son réseau mondial, l’International Council of Unitarians and Universalists (ICUU).

Les chrétiens unitariens, bien entendu, rendent un culte à Dieu (et sont donc des croyants) et se réfèrent à la personne de Jésus et à son enseignement (ils en sont ses disciples et donc sont des chrétiens). Ils sont donc des confessants (Dieu, Jésus), mais dans un sens minimaliste du terme.

Cette attitude libérale du vécu de leur religion est partagée par d’autres mouvances religieuses : les protestants libéraux, les catholiques des mouvances réformatrices et progressistes, les juifs libéraux, les soufis, les musulmans « laïcs », etc. Les unitariens n’en ont donc pas le monopole et nombre d’entre eux militent au sein de l’International Association for Religious Freedom (IARF) / Association internationale pour la liberté religieuse, laquelle s’adresse à tous les « libéraux » sur le plan théologique.

A l'inverse, des religions ou encore des philosophies, et c’est pleinement leur droit, peuvent affirmer des dogmes, des doctrines, et développer des professions de foi.

Un dogme est un point de doctrine établi ou regardé comme une vérité fondamentale, incontestable, dans une religion, une école philosophique, etc. On parlera d’article de foi lorsqu’il s’affirme en dehors de tout raisonnement rationnel. Dans les philosophies antiques, celles dites dogmatiques admettent certaines vérités, affirment des principes ; par contre les « sceptiques » et les pyrrhoniens s’y refusaient.

Pour les religions, les dogmes s’ajoutent à l’affirmation de Dieu ou de dieux (laquelle est une croyance et non un dogme). Le catholicisme est le christianisme qui a le plus énuméré de dogmes. Les protestants du XVIème siècle (hormis les unitariens) ont maintenu les dogmes des conciles dit « œcuméniques », ceux du 1er millénaire, y compris celui qui affirme que Marie est mère de Dieu (mais, toutefois, les protestants ne lui rendent pas de culte). La dogmatique est la science qui traite des dogmes. Un dogmatiste va, dans ses argumentaires, partir des dogmes.

Par contre, lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est dogmatique, le sens est différent : il ne s’agit plus seulement de quelqu’un qui adhère à des dogmes (ce qui est de son libre choix), mais de quelqu’un qui exprime ses opinions d’une façon abrupte, catégorique, péremptoire … ce qui coupe court à tout dialogue. Dans ce cas, cela relève davantage du caractère de la personne, de sa sociabilité, que de ses croyances proprement dite.

Une doctrine peut bien entendu partir d’un ou de plusieurs dogmes, mais elle en est alors la version enseignante. C’est un ensemble de notions qu’on affirme être vraies et par lesquelles on prétend fournir une interprétation des faits, orienter ou diriger l’action. On parlera d’un corps de doctrine. Un doctrinaire est un philosophe, un théologien ou un homme d’action qui développe une doctrine particulière. Il peut être libéral dans ses propositions et son travail s’inscrit toute à fait dans le contexte d’une société démocratique et plurielle. Là aussi on dira d’une personne qu’elle a un ton doctrinal lorsque son style est cassant, sans appel.

Une attitude radicale consiste à affirmer un point de vue qui, à une époque donnée et dans un contexte historique, a pu ou est encore considérée comme extrémiste. Au sein du christianisme, et depuis l’anti-trinitarisme du XVIème siècle, les unitariens sont considérés à juste titre comme des radicaux. Au XVIème siècle ils l’étaient avec les anabaptistes (certains historiens regroupent les deux mouvances pourtant différentes dans une même appellation de Réforme radicale)

Gemppi-yeux-rouges.jpgPar contre la secte, au sens moderne du terme *, désigne un mouvement qui s’affirme seul vrai, détenteur de la vérité, alors que les autres sont dans l’erreur. Démocratiquement, de telles prétentions sont ridicules et inadmissibles. Le sectaire se fait le prosélyte d’une doctrine qu’il présente non seulement comme étant excellente pour lui, mais nettement supérieure aux autres, sinon la seule valable et la seule possible. Toutes les autres sont erronées, sinon l’œuvre de complots internationaux (en attendant d’être interstellaires !) ou de Satan.

* selon le sociologue allemand Max Weber (1864-1920), le "type idéal" de la secte corespond à un mouvement scissionniste à cause d'une position nouvelle et radicale de sa part. Il part de l'exemple des premiers chrétiens par rapport au judaïsme rabbinique, au encore des protestants du XVIème siècle. Ensuite, la secte est amenée à arrondir ses angles, à négocier sa durée au sein de la société globale, à accepter des compromis. Malheureusement pour cette théorie qui se veut générale, il arrive que des mouvements "radicaux" se radicalisent encore plus au cours du temps !

Le sectaire – toujours au sens moderne du terme (et non wébérien) * – est contre les autres. Il peut vivre ses convictions en constituant avec d’autres personne de même opinion une communauté intra-muros, prophétique, en attente du futur – avec le risque d’un enfermement pour les enfants lorsque ceux-ci sont éduqués exclusivement par la communauté confessante ; ou encore en voulant imposer sa vérité à la société « pourrie » par une subversion politique, voir même des moyens violents et criminels : de fanatique, il devient alors vite terroriste *.

* comme dans le cas de l'islam djihadiste.

Les chrétiens unitariens sont des "radicaux" dans leur religion puisqu’il rejettent le dogme trinitaire qui est pourtant très largement accepté par les autres chrétiens, mais ils n’en sont pas pour autant "sectaires" puisqu’ils reconnaissent le baptême des autres et partagent volontiers avec tous le pain et le vin au nom de Jésus (la fraction du pain dont parle les Actes des apôtres). Ils ne disent pas que leur confession est supérieure mais, tout simplement, que c’est leur choix, leur façon de comprendre et de vivre le message évangélique.

Ce sont des "tolérants" car ils sont ouverts au dialogue et à la prière partagée avec tous les autres croyants sans exiger au préalable une profession de foi. Leur Eglise est ouverte à tous les hommes de bonne volonté. Dans le cas de l’unitarisme-universalisme, les autres croyants et les non croyants en Dieu (agnostiques et athées spirituels) sont tout à fait acceptés à part entière au sein des assemblées locales (lors des cultes, pour l’accès aux responsabilités, etc.).

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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 18:51

par Michel Jamet

Par un hasard "pas croyable" (et vrai) j’ai rédigé le même jour que le pasteur Louis Pernot (le 27 septembre 2009) le coup de gueule
du chrétien de base que je suis à l’encontre de Calvin en général et de la doctrine de la prédestination en particulier. Et bien entendu je n’avais pas encore pu prendre connaissance de la teneur de l’homélie prononcée le même jour à l’Etoile ...

Et quelque part c’est tant mieux : je venais juste de suivre à Nantes un cycle de conférences censé célébrer le 500ème anniversaire de la naissance d’une des deux figures marquantes de la Réforme, Calvin le Genevois ... Il n’y a donc pas pu y avoir interférence - vu la date - entre le savant propos du pasteur-théologien parisien et mon billet d’humeur, celui de l’uomo qualunque (comme on dit en italien).

L’AFCU m’a demandé d’introduire et de présenter les textes des pasteurs P-J Ruff et L. Pernot sur ce thème – si controversé – de la prédestination divine, je m’exécuterai de façon simpliste :

Avec chacun son vocabulaire propre, les deux "spécialistes" se rejoignent sur l’essentiel :
pris tel quel au pied de la lettre, le texte de Calvin (lui-même démarqué de saint Augustin) est "invendable" aux chrétiens d’aujourd’hui - rappelons-le au mot près, ça vaut la peine : "Nous appelons prédestination le projet éternel de Dieu qui a déterminé ce qu’Il entendait faire de chaque homme. Car Il ne les crée pas tous en même condition (…) mais ordonne les uns à la Vie éternelle et les autres à l’éternelle damnation". 

Je citerai en premier le pasteur L. Pernot : " Aujourd’hui plus grand monde n’admet cette doctrine de la prédestination calvinienne, même chez lez protestants (...) " ... et quelques lignes plus loin : "Il s’agit d’une thèse théologique personnelle à laquelle aucun protestant n’est obligé de souscrire ... " que tempère (très… habilement) cette nuance : "... les damnés n’en souffrent pas, ils sont tellement éloignés de Dieu et de tout cela qu’ils n’en ont même pas l’idée. Ils sont du rien qui retourne au rien ... ".

Et le pasteur P.-J. Ruff, qui cite Karl Barth et sa double prédestination : "Nous sommes tous pécheurs et nous sommes tous sauvés par la miséricorde de Dieu" ... mais qui conclut : " Pour moi, la grâce ou l’amour de Dieu ne sont eux-mêmes que s’ils ne sont pas sélectifs ... ".

Le mot de la fin je le laisse à un ami catholique, agrégé d’Histoire qui m’écrivait hier. " D’un papiste ouvert aux Lumières à un parpaillot large d’esprit : j’essaie de prolonger ma relative indifférence pour l’Au-delà : je suis convaincu que l’enfer est vide ! ". La messe est dite
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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 08:19

"La prédestination pour les nuls", par le pasteur Louis Pernot, Eglise réformée de l’Etoile, prédication du dimanche 27 septembre 2009, Eph 1:3-14 ; Rom 8:29:30 ; Eccl 9:7-9. Enregistrement audio en fichier mp3


La question de la prédestination est souvent posée aux protestants. On sait en effet que Calvin s'est illustré en défendant avec beaucoup de vigueur cette théorie. Pourtant, peu de gens savent effectivement ce qu'il faut en comprendre. Pour beaucoup, l'idée de prédestination évoque celle d'un destin écrit à l'avance, comme si Dieu avait "préprogrammé" tout ce qui devait arriver dans notre vie ... Il y a évidemment la notion de "destin" qui est là sous-jacente : c'est ainsi par exemple que lorsque quelqu'un échappe à un grave danger, certains disent "ce n'était pas son heure ..." - ce qui laisse supposer que l'heure de sa mort future était déjà écrite quelque part dans le ciel ...

Or, ce n'est pas du tout de cela qu'il est question dans la notion de "prédestination" :


Ma lecture de l'Évangile me conduit à être absolument hostile à ce genre de pensée dès lors que je crois qu'il n'y a pas de "destin" dans nos vies. Mais que l'avenir est ouvert, pour nous comme pour Dieu. Je crois que nous avons en Christ une vraie liberté. Et que nous ne faisons pas dans notre vie que dérouler le fil d'une histoire qui serait écrite par avance. D'ailleurs, dans la Bible, nous voyons sans cesse Dieu devoir s'adapter aux décisions des hommes, et justement, le principal de la prédication des prophètes est de mettre en garde, d'inviter à se repentir, à changer de voie ...


Il y a donc bien là l'idée que l'homme est responsable de ses propres choix, que Dieu peut nous inviter à en préférer certains à d'autres, mais qu'Il ne peut pas nous imposer quoi que ce soit - ni même d'une certaine manière "pré-voir" ce que l'homme décidera.
C'est toute la notion "d'alliance" qui est présente là et une alliance ne peut se concevoir qu'entre individus souverains et libres.


Mais pour revenir à la prédestination calvinienne, il s'agit de tout autre chose donc. C'est une doctrine qu'il n'a pas inventée, mais qu'il a reprise de Saint Augustin.
Et pour l'un comme pour l'autre, la prédestination ne concerne pas les actes quotidiens, ni ce que l'on peut faire matériellement dans sa vie, ni ce qui nous arrive, mais concerne notre salut, à savoir que notre salut ne dépend pas de nous, mais seulement du décret éternel de Dieu qui destine chaque homme au salut, ou à la perdition.


On comprend comment Calvin a pu en arriver là. Dans le christianisme médiéval, on prêchait souvent une forme de salut par les œuvres, en brandissant la menace de l'enfer. Le but était certainement, par la perspective d'un châtiment, d'inciter le peuple à bien se comporter, mais cela avait un effet négatif et utilisait des ressorts égoïstes incitant à faire des bonnes œuvres par intérêt, dans le but de se sauver. La Réforme, redécouvrant l'Évangile comme une Bonne nouvelle, ne put accepter cela. Elle redécouvrit avec force la notion de la Grâce, du Salut que Dieu peut offrir même à un pécheur et celle de la gratuité de l'amour.


La Réforme a opéré ainsi une certaine révolution dans la prédication chrétienne, en disant non plus : "Faites des bonnes œuvres pour être sauvés " mais plutôt ... "Vous êtes sauvés par grâce, faites des bonnes œuvres en reconnaissance pour ce salut qui vous est offert - non pas par intérêt, mais par amour ".


Cela est très beau et généreux. Mais le problème, c'est que dans l'Évangile, il ne semble pas que tout le monde soit sauvé. Il y a des sauvés et des réprouvés. Or, si le salut ne dépend que de Dieu, alors c'est que Dieu veut en sauver certains, et laisse les autres à la perdition ... Et là, nous tombons dans une doctrine à peu près inacceptable pour notre esprit moderne : celle d'un arbitraire divin, d'un Dieu qui aurait créé des hommes et qui finalement choisirait délibérément de les damner... C'est impossible. D'ailleurs, du temps même de Calvin, cette doctrine a soulevé de graves oppositions et tous les Réformateurs étaient loin d'y adhérer. Aujourd'hui, plus grand monde n'admet cette doctrine de la prédestination calvinienne, même chez les protestants.


Si l'on veut reprendre la question d'un point de vue Biblique, on s'aperçoit que le mot de "prédestination" se trouve dans la Bible, certes, mais pas dans le sens que lui donnait Calvin. On trouve le terme dans les lettres de Paul, pour affirmer essentiellement que tous les hommes sont "prédestinés" à être semblables au Christ, c'est à dire à être sauvés (Rom 8:29).


La prédestination de Dieu concernant les hommes est donc son projet : ce à quoi Il nous destine. Mais ce but n'est pas toujours atteint, parce qu'il dépend aussi de la liberté et de l'acceptation de l'homme. Le projet de Dieu, il est affirmé au moment de l'acte créateur, il dit alors, selon la Genèse : " créons l'homme à notre image selon notre ressemblance " or la suite du texte nous montre que l'homme n'est effectivement créé qu'à l'image de Dieu, le texte n'évoque plus la ressemblance, celle-ci ne va pas de soi, elle reste le travail de l'homme. Nous pouvons donc dire que nous sommes tous prédestinés à être sauvés, mais, peut-être que nous ne serons pas tous sauvés. On pourrait reprendre là le célèbre verset de Paul : " C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, ce qui ne dépend pas de vous, c'est le don de Dieu " (Éph 2:8)

Certes, il y a une prédestination, mais celle-ci n'est pas nécessairement une "prédétermination".


Je ne veux pas dire que la doctrine de la prédestination calvinienne n'ait aucun fondement biblique (On pourrait en particulier citer le très difficile texte de Romains, Rom 9:20-23), mais en tout cas, il n'utilisait pas le mot dans le même sens que Paul. Il s'agit d'une thèse théologique personnelle, à laquelle aucun protestant n'est obligé de souscrire.


On pourrait néanmoins réinterpréter autrement la doctrine de la prédestination de Calvin (ou de Saint Augustin ...) pour la rendre plus admissible. Ce qui est le plus critiquable, en fait, provient au départ de l'idée de couper l'Humanité en deux, les bons d'un côté et les mauvais de l'autre. Les choses ne sont certainement pas aussi simples, et on pourrait préférer considérer qu'en chaque homme il y a du bon et du mauvais, et qu'en chacun, il y a une part qui vaut d'être sauvée, et une autre qui ne vaut rien du tout. On peut dire alors que ce qui ne vaut rien en nous est prédestiné à être perdu et oublié (ce qui est finalement une forme de bonne nouvelle) et que le meilleur de nous, le spirituel, lui, est prédestiné à être sauvé. Dans ce cas, alors oui, on peut admettre cette doctrine, même si ce n'est certainement pas non plus ce que voulait dire Calvin ...


Mais même si l'on considère que cette doctrine est fausse intellectuellement dans sa signification la plus basique, on peut néanmoins penser qu'elle a quelque vertu
: elle permettait en particulier de dire aux chrétiens : " Ne vous préoccupez pas de votre salut, c'est une préoccupation médiocre, la seule chose qui doit vous préoccuper, c'est de faire le bien, d'aimer, de donner, de servir, et tout cela gratuitement, sans rien attendre en retour, par amour. Comportez-vous donc, sans angoisse, sans crainte, sans vision de punition ou de rétribution... ". Être chrétien, c'est être libre, joyeux, et reconnaissant ...


Bien sûr, la question est alors : " Peut-on être sûr d'être sauvé ? " Mais là Calvin avait la réponse : " Oui, le simple fait de se poser la question est preuve de l'Élection. " Donc les damnés ne s'en rendent même pas compte et n'en souffrent pas, ils sont tellement éloignés de Dieu et de tout cela qu'ils n'en ont même pas l'idée. Ils sont du rien qui retourne au rien. Donc, oui, la doctrine de la prédestination disait bien à ceux qui l'entendaient qu'ils devaient être sûrs de leur salut comme d’une grâce extraordinaire qui leur avait été offerte.


Aujourd'hui, nous aurions une façon plus moderne de dire les choses : on ne parlerait plus de "salut", ou de "perdition", mais plutôt, par exemple, du fait de "réussir sa vie".
Si l'on veut prendre cette notion, par exemple, pour la superposer à celle de la prédestination, alors le message serait de dire : " Vous n'avez pas à " réussir votre vie ". Votre vie est déjà acceptée. La vie n'est pas un examen de passage. Il n'y a pas à mériter, ou à démériter. Il n'y a pas d'angoisse à avoir, et quoi que nous réussissions ou rations dans notre vie, nous sommes acceptés et aimés par Dieu ". Saurais-je passer dans la classe supérieure, avoir mon bac, ne pas être au chômage, ne pas divorcer ?


On fait ce que l'on peut, mais de toute façon Dieu nous a accepté et aimé quoiqu'il nous arrive.
C'est donc une bonne nouvelle, c'est un discours qui peut nous conduire à une sorte de dé-préoccupation salvatrice de nous-mêmes. Ne nous préoccupons pas de "réussir" notre vie, ni d'être sauvé ou non, laissons cela à Dieu et considérons que c'est une affaire déjà réglée ... Positivement en plus ! Et préoccupons donc nous sans arrière pensée de ce que nous pouvons faire aujourd'hui dans ce monde et pour nos frères. C'est à partir de cela que l'être peut se libérer de sa propre angoisse pour se tourner vers les autres, peut accepter une vocation sans crainte, et finalement même sortir de son propre égoïsme pour découvrir la vraie nature de l'Amour : de l’Amour qui est don et gratuité.


Peut-être finalement ne faut-il garder que cela de cette doctrine de la prédestination, c'est que Dieu a choisi de nous sauver même si nous ne le méritons pas. Il a choisi de nous aimer et de tout nous donner - non pas en fonction de nos réussites personnelles mais simplement parce qu'il nous aime.


C'est donc une formidable bonne nouvelle : tout ça dépend de lui seul et pas de nous, c'est un vrai "cadeau". Que cela nous rende pour toujours joyeux, libres et reconnaissants.

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