Compte-rendu de Léon Pierre Mubirigi reçu le 14 novembre 2012
La Congrégation unitarienne du Rwanda, à partir entre autres de la dramatique faillite des Eglises lors du génocide de 1994, mais plus largement à partir d’exemples régionaux et internationaux, s’interroge sur le rôle des religions qui, d’une part, nous invitent à la paix, mais qui, dans certaines situations, peuvent tout aussi bien jeter de l’huile sur le feu. Alors que les croyants sont fortement majoritaires au Rwanda et dans toute la région de l’Afrique de l’Est, ils se trouvent souvent impliqués dans les luttes fratricides à caractère ethnique, restant en quelque sorte enfermés dans leurs appartenances sociétales. La religion n’aurait-elle donc pas suffisamment touchée les cœurs ? Dieu était-il absent ou bien encore inaudible ? « Seigneur, où étais-tu pendant le génocide ? ». La Congrégation mène cette réflexion sur plusieurs axes : Religions et culture, Religion et éducation (notamment comment promouvoir le dialogue inter religieux), Religion et société, Religion et politique.
Clément Uwayisaba a introduit la question en montrant comment les religions sont facteurs de construction des sociétés et comment elles sont à leur tour des constructions sociales.
La religion a fonctionné comme une institution de médiation pour la paix au cœur de plusieurs conflits : dans la fin de l’apartheid en Afrique, lors des conférences nationales d’autres pays africains, pour la fin des guerres civiles en Amérique centrale, etc. Mais aussi, la religion fonctionne comme facteur de guerre dans plusieurs parties du monde : entre catholiques, orthodoxes et musulmans dans les Balkans, entre catholiques et protestants en Irlande, entre juifs et musulmans en Israël, entre hindouistes et musulmans en Inde et au Pakistan, entre musulmans et chrétiens au Nigeria et en Egypte, etc. La religion véhiculerait-elle donc à la fois les passions les plus guerrières et les actions les plus pacificatrices ? La Congrégation a commencé à réunir un dossier en rédigeant des fiches sur des cas et de courts textes de mise en perspective, afin de montrer comment chaque religion recèle à la fois un potentiel de violence et de paix ; ce faisant elles apparaissent comme source d’ambiguïté.
Ce dossier rappelle pertinemment la complexité des situations dans lesquelles les acteurs religieux sont engagés, ce qui explique la diversité des facettes de tout acteur religieux : c’est donc par l’insertion des acteurs religieux dans leur société locale, régionale et internationale que ce dossier déchiffre le sens donné à la paix proposée, ainsi qu’à la légitimation du recours à la violence. Les religions peuvent constituer des réservoirs de sens et de symboles au sein desquelles chacun vient puiser en fonction de ses intérêts propres.
Commentaires :
Grace Niyitegeka : la construction de paix est toujours une option profonde et authentique de la part de toutes les religions. Les croyants et les responsables religieux s’engagent pour la paix. En même temps, ils condamnent clairement ceux qui se réclament d’une religion tout en faisant usage de la violence.
Roselyne Karangwa : malgré les revendications de toutes les grandes religions sur leur « identité fondamentalement pacifique », ce dossier montre que la religion peut servir aujourd’hui d’élément fédérateur à des groupes radicaux ainsi que de facteur de mobilisation vers la guerre. Oui, la notion de « guerre sainte » peut être utilisée pour donner à l’utilisation de la violence une justification religieuse ; plus encore, la violence peut être sacralisée lorsqu’elle est présentée comme venant de la volonté divine. Si c’est un fait historique, cela représente également un danger guettant le monde actuel : il existe des groupes radicaux construisant du sacré violent.
Léon Pierre Mubirigi : les nouvelles technologies sont sur le point de brouiller totalement les anciennes modalités de communication et d’organisation des groupes extrémistes. Ces derniers utilisent Internet et les messages électroniques pour diffuser leurs discours de haine, pour mobiliser des groupes, pour recruter des adeptes ou pour organiser des actions violentes… Le tout au nom de Dieu.
article traduit en italien par Giacomo Tessaro et mis en ligne sur le site de la Communione unitaria italiana (CUI), lien.
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