par Jean-Claude Barbier, article à la Une dans le bulletin n° 133, novembre 2013, de la Correspondance unitarienne.
Si les Eglises chrétiennes ne posent pas de conditions financières pour leurs prestations, lesquelles sont gratuites quitte aux bénéficiaires à faire un geste selon leurs possibilités, elles n’en ont pas moins des exigences morales et religieuses : l’adhésion à une confession de foi, le suivi du catéchisme pour être baptisé, être en règle pour recevoir les sacrements ou des bénédictions, etc. C’est bien entendu de leur plein droit.
Mais voilà que, de nos jours, les internautes chevronnés ont vite fait bien fait de dénicher sur la Toile l’existence d’autres Eglises dont les conditions d’admission peuvent être plus libérales – comme par exemple le site de l’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU) qui propose un accompagnement spirituel des couples avec l’idée d’une adaptation aux personnes ( lien). Les entretiens avec les futurs époux et l’organisation de la cérémonie religieuse peuvent aisément se faire alors par messagerie et téléphone. C’est dire qu’aujourd’hui, si vous n’êtes pas contents, vous pouvez toujours vous adresser à une autre Eglise pour voir si c’est mieux ! Désormais, les Eglises locales ne sont plus incontournables … et les fidèles peuvent profiter de leur liberté de choix et faire jouer le pluralisme confessionnel et religieux !
Serait-ce l’ouverture au laxisme, à une relativisation des décisions ecclésiales, au contournement des obligations ? Est-ce l’acceptation progressiste d’une évolution des mœurs où chacun fait ce qu’il veut ? Peut-être, mais pour le chrétien sincère cela renvoie à l’attitude même de Jésus ô combien rebelle vis-à-vis des règles de son époque. Les pharisiens de son temps et le sanhédrin avait raison contre lui : une femme adultère prise en flagrant délit devait être lapidée ; les Juifs devaient éviter tout contact avec les Samaritains jugés hérétiques ou encore avec les femmes en état d’impureté rituelle à cause d’un épanchement sanguin (lors de leurs règles ou pour une autre cause) ou encore le fait de frayer avec des étrangers et d’utiliser leurs monnaies comme le faisaient les percepteurs d’impôts et de douanes ; le sabbat était « intégral » y compris lorsque son âne tombait dans un puit ou que la fringale vous tenaillait en traversant un champ de blé mûr, etc.
Alors que faire d’un couple qui n’est pas en règle quant à ses obligations religieuses ? Lui dire de faire le nécessaire, de prendre patience, de convertir son conjoint … Mais tous ceux qui ont aimé avec passion savent très bien que l’amour n’attend pas, qu’il est pressé, qu’il vit chaque seconde dans l’urgence ! Et puis n’est-ce pas le moment précisément - où le couple vit le bonheur de vivre, la joie d’aimer, l’envie de partager son enthousiasme à leurs proches et à tous leurs amis - de se tourner vers Dieu ou la Source de la vie ou l’Energie initiale ou toute autre façon de désigner la transcendance spirituelle que nous ressentons profondément en nos êtres, et plus particulièrement en ces moments d’euphorie.
Dans cette relation à Dieu, notre intuition à partir de ce que nous vivons nous-mêmes, notre expérience de la vie, notre sentiment de sa présence indicible sont beaucoup plus importants que les croyances qui renvoient quant à elles à des théologies plus ou moins abstraites, liées à des doctrines religieuses particulières, et manifestement « construites de main d’homme » !
Et puis, si Dieu existe, s’il est vraiment ce Dieu créateur de l’univers et donneur de vie que nous pensons, ne serait-il pas plus généreux que les hommes ? Au juridisme ecclésiale, trop souvent étouffant, oppressant, déprimant, ne faut-il pas résolument opposer une toute autre façon d’accueillir les demandes? Une attention personnalisée, des conseils adaptés aux situations particulières, des points de repères, la proposition de textes évangéliques qui peuvent nous inspirés – mais cette fois-ci en toute liberté ! un accompagnement spirituel non directif (qui n’a plus rien à voir avec la « direction des consciences »), et enfin l’orientation vers une communauté la plus à même de recevoir le couple le temps d’une cérémonie. C’est ce que nous avons appelé « le mariage à la carte » à l’occasion du mariage d’un couple canadien que nous avions organisé en septembre 2006 (lien),
Et puis, cessons aussi d’accepter les prétentions des Eglises ou autres communautés religieuses. Non, dans un Etat moderne et laïc, ce ne sont plus elles qui font le mariage, mais la Mairie ! Si bien que le couple arrive à l’église, au temple, à la synagogue, à la mosquée ou autre lieu de culte, en étant déjà marié! Mieux, dans la tradition chrétienne, ce sont les époux qui se donnent eux-mêmes le mariage et le prêtre n’est là que comme témoin, au nom de la communauté, de leur union. C’est donc devant Dieu directement et sans intermédiaire que les époux se tiennent. Même la bénédiction reçue est reçue de Dieu et non des hommes (le prêtre ou le pasteur ne faisant que souhaiter cette bénédiction) *. Aux discours religieux englobants et qui sont trop souvent du rabachâge de catéchismes quelque peu vieillots, nous devons substituer une théologie plus lisible à notre raison, plus rigoureuse dans sa démarche intellectuelle, plus spirituelle aussi. C’est Jésus qui disait que le vin nouveau se boit meilleur dans de nouvelles outres ! * Le pasteur Pierre-Jean Ruff l’explique en article à la Une de la Correspondance unitarienne, n° 125, mars 2013, lien.
Dans cette perspective, c’est désormais aux futurs époux de préparer eux-mêmes leur mariage et la façon dont ils souhaitent que la cérémonie religieuse se déroule. Libre à eux, aussi, de demander les services d’un ministre du culte de leur convenance qui comprenne leur propre itinéraire spirituelle. Réciproquement, libre à un ministre de ne pas présider à des rituels qu’il estimerait contraire à sa conscience (mais dans ce cas, il peut orienter le couple vers un autre ministre).
Nous sommes résolument post-confessionnels, à savoir que nous pensons que les chrétiens, quelque soit leurs confessions doivent s'aimer et se rendre service mutuellement. De confession unitarienne (l'une des Réformes protestantes du XVIème, l’anti-trinitaire), toutes nos activités sont ouvertes à tous, indépendamment de leur propre appartenance religieuse ou philosophique. Il en est ainsi par exemple pour nos cultes "on line" ( lien).
Mieux, que ce soit pour les baptêmes, les communions, les mariages ou les enterrements, les bénédictions ou les actions de grâce, les communautés religieuses doivent s'entraider et être au service des personnes. Par exemple, le baptême d'un jeune en état de choisir ou d'un adulte est une entrée dans l'Eglise, mais c'est à lui de décider de la communauté chrétienne qu'il souhaite fréquenter ; la confirmation est une volonté d'engagement, mais là aussi c'est au confirmé de choisir son programme ; les ministères sont un engagement au service de l'Eglise (en fonction de ses talents au sens paulinien du terme), mais la communauté desservie peut être autre que celle qui ordonne, etc. Les choix peuvent se faire au sein de sa confession ou bien dans une autre, peu importe. Les Eglises doivent être en osmose et non plus se situer en concurrence comme de vulgaires commerciaux !
Notre titre renvoyant au passé les Eglises conditionnelles est bien entendu une utopie, mais c’est pour mieux dire combien notre mouvance unitarienne veut dépasser cette vision réglementaire du mariage religieux et, d’une façon plus générale, de l’accès aux « sacrements » et aux « bénédictions ». Il vaut mieux à notre avis insister sur la sincérité, la générosité et l’engagement des postulants.