message du jeudi 7 octobre 2010 de Jean-Claude Barbier au groupe « Croissance spirituelle » ( lien)
Les familles spirituelles, que ce soient les gnoses, les voies soufies, les ordres monastiques chrétiens et leurs branches laïques, etc., nous ont transmis des spiritualités optionnelles au sein d'un champ religieux bénéficiant d’aumôniers, de directeurs de conscience, de maîtres, de gourous, etc. Je dirais que ce sont des spiritualités encadrées.
Mais déjà dans les années 1830, avec le transcendantalisme du philosophe et poète américain Ralph Waldo Emerson (ministre unitarien jusqu’en 1833) (lien), l’individu est invité à cheminer librement, en toute souveraineté. Il y a bien sûr du rousseauisme dans cette confiance en l’Homme : celui-ci est bon, ou du moins capable de discerner le Bien du Mal ; la contemplation de la Nature et – aussi – son intuition le mette en contact avec la Vie (ce que les théistes appellent la Création) ; avec sa raison et son intelligence, il est capable de progresser et de s’élever en connaissances mais aussi moralement. C’est en soi et non plus dans une tradition héritée qu’il faut puiser les forces car tout héritage peut s’avérer être un enfermement (Ralph Waldo Emerson fut l’ami de Friedrich Wilhem Nietzsche dont on connaît le combat contre l'idéologie chrétienne).
Et puis, la génération hippie, avec son exotisme et le New-âge, a valorisé une spiritualité à la carte, où chacun puise dans des champs religieux différents des références, des méthodes, des croyances, les gurus qui lui convient. C’est le relativisme tout azimut, liée à une sociabilité de groupes informels et éphémères aux contours flous. Une joyeuse brocante où chacun communique avec ses propres choix et ses différences. Une dynamique tout à fait libre et personnelle, non encadrée et non dirigée par une seule tradition. Les sites "Spiritualités sans frontière" (lien) ou encore "Convergence spirituelle" (lien) me semblent bien illustrer cette dynamique qui puise à l'interreligieux et au meilleur.
Il est d’ailleurs significatif que ces deux sites, sans adhérer explicitement à l’unitarisme-universalisme, en reprennent les symboles dans leur bandeau d'entête. Leur non adhésion étant ici logique au regard d’une liberté individuelle particulièrement sourcilleuse de n’être incluse sous aucune étiquette, fusse-elle celle d’un courant qui a pu, à un moment ou à un autre, les inspirer. Paradoxe où l’unitarisme-universalisme, en définitive, est victime de son propre succès, la liberté religieuse affirmant la relation spirituelle à autrui – et dans ce cas l’altruisme – mais aboutissant toutefois au refus de faire communauté religieuse car celle-ci, quelqu'elle soit, est perçue comme une emprise !
Entre les deux, il y a ce qu'on pourrait appeler des spiritualités concertées où les personnes échangent entre elles, se concertent, dialoguent ; ce qui permet à chacun de se rectifier si besoin est, de revoir ses aspérités, d'avancer en s'enrichissant des apports et du regard d'autrui.
Les loges maçonniques, bien que dotées d'une hiérarchie, pratiquent depuis longtemps une telle concertation ; la hiérarchie y est en effet garante d'une moralité et d'une méthode et non pas pour imposer des croyances ou une idéologie précise ; elle propose un cadre pour un cheminement libre en compagnie de frères et de soeurs. Chacun y progresse avec les autres et par les autres, en toute fraternité. Les unitariens, pour leur part, pratiquent l'accompagnement spirituel et non pas la direction des consciences (par exemple pour l'accompagnement des couples, lien). Ils encouragent à l'expression libre lors de leurs cultes (lien).
Cela rejoint un peu la nécessité de la communauté chrétienne aux yeux des protestants qui partent de la lecture personnelle de la Bible, de la liberté de compréhension et d’interprétation en son âme et conscience, mais recommandent toutefois de faire cela en communauté ecclésiale - ce qui a abouti d’ailleurs, vite fait bien fait, à une confiscation de cette liberté pourtant proclamée ; ceci jusqu’à l’apparition du protestantisme libéral au XIXème siècle *
* les protestants libéraux rejoignent ainsi les unitariens (depuis 1568) et les Non-subscribings irlandais (à partir de 1725) (lien) qui furent les seuls à maintenir jusqu’au bout cette logique de la liberté de penser.
Les groupes de "Croissance spirituelle" - initiative des unitariens-universalistes américains - se situeraient plutôt dans le troisième type, celui des spiritualités concertées, bien que, en leur sein, la critique n’y soit pas de mise ( lien).
Bonne spiritualité de votre choix. Jean-Claude Barbier