Prédication de Jean-Claude Barbier, le dimanche 22 décembre 2013 à Kigali, dans le cadre d'un séminaire de formation regroupant 26 Rwandais et 15 Burundais organisé par la Congrégation unitarienne du Rwanda.
La fête de Noël est proche ; elle est imminente ; et les chrétiens vont y célébrer la naissance de leur maître spirituel, Jésus de Nazareth, Jésus le Nazôréen, que les historiens disent être né vers 6 ou 7 avant Jésus-Christ.
Ô bien sûr, contrairement à ce que nous conte Luc l’évangéliste, cette naissance dans un petit village de Galilée à la fin du Ier siècle avant Jésus-Christ, a bien dû passer inaperçue : pas de bergers accourant avec leur troupeau, ni de mages perses venant d’Orient et quittant précipitamment leurs ziggourats d’où ils auscultaient les signes du ciel.
Mais Jésus étant devenu quelqu’un important à partir des années 28 lorsqu’il commença sa prédication, d’abord en compagnie de Jean-Baptiste, puis seul avec ses disciples, Luc recueilli des légendes louant son destin exceptionnel.
Noël, n’est-elle pas aussi la fête de tout enfant nouveau-né ? Tout enfant n’est-il pas porteur lui aussi d’un destin individuel, susceptible d’apporter à l’Humanité une contribution originale, inédite, étonnante ? Combien de talents cachés aux yeux des autres, enfouis sous des couches de discrétion, d’humilité, de modestie, de timidité, souvent aussi, malheureusement, sous des couches épaisses de pauvreté et de misères. Parfois tout simplement par manque de moyens d’expression ou par manque de confiance en soi …
Ce sont les sciences biologiques qui nous le confirment : chaque enfant est un être nouveau, issu du croisement de l’ADN de ses parents, héritier d’un capital génétique transmis de génération en génération mais présentant une combinaison unique, inédite, originale.
Dés lors, tout nouveau né est un nouvel Adam, un nouveau fils pour Abraham, un nouvel enfant pour Marie, mère de Jésus, un nouvel espoir pour l’Humanité …
Alors soyons attentif à la croissance d’un enfant, à son épanouissement, à ses premiers pas, à ses premiers dires, aux talents qu’il manifeste déjà, à son caractère et à ses dispositions ; aidons-le ; encourageons-le ; écoutons-le. Ne l’enfermons pas dans nos idéologies partisanes, nos appartenances tribales et sectaires ; éduquons-le et conseillons-le, mais laissons-le choisir son propre avenir.
Jésus, notre rabbi, le maître spirituel que nous aimons et que nous suivons, voulait qu’on laissa les jeunes enfants venir à lui, qu’on ne les en empêcha point.
Après la campagne de Galilée qui s’achève par une grande rencontre du côté de Bethsaïde, sur la rive nord-est du lac de Tibériade, en Trachonitide, le territoire administré par le tétrarque Philippe Hérode – réunion où la tradition chrétienne dit que Jésus multiplia les poissons et des pains afin de rassasier la foule assemblée, mais qui se termina par un échec car Jésus refusa de suivre l’espoir de cette foule qui voulait le faire roi au sens davidique du terme - « Il quitta la Galilée et vint dans la région de la Judée au-delà du Jourdain » (Mt 19,1). Marc donne les mêmes informations géographiques (Mc 10, 1). C’est là que la foule s’agglutine de nouveau autour de lui car il a une réputation de guérisseur ; on lui présente alors des petits enfants afin qu’il les touche pour les préserver de tous maux à venir avec en quelque sorte une bénédiction ayant valeur d’une thérapie préventive.
Lectures : Mt 18, 3 et 19, 13-15 ; Mc 10, 13-16 et Lc 18, 15-17
Voici le témoignage de Matthieu : Alors lui furent apportés des petits enfants pour qu’il leur imposât les mains et priât ; les disciples les réprimandèrent. Mais Jésus dit : «Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi ; car c’est à de tels qu’est le Royaume des Cieux. En vérité je vous le dis, si vous ne changez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux ». Et, leur ayant imposé les mains, il partit de là.
D’ailleurs la Bonne nouvelle n’est-elle pas réservée aux « tout petits » ? Qu’englobe Jésus dans cette catégorie ? Sans doute ceux que les sociologues d’aujourd’hui appellent les cadets sociaux d’une société par rapport à ceux qui jouissent des positions sociales élevées, comme les « sages » et les « habiles » qu’il cite ? Les petits enfants ne sont pas mentionnés, mais ils ne sont pas loin !
Mt 11, 25 ; Lc 10, 21
Voici encore le témoignage de Matthieu : En ce temps-là, prenant la parole, Jésus dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché cela aux sages et aux habiles et que tu l’as révélé aux tout petits ».
Comment aimons-nous nos enfants ? non seulement les nôtres, mais aussi ceux des voisins, des autres … ? Notre société moderne nous parle désormais des droits des enfants à recevoir une éducation, à être bien traités, à ne pas être scarifiés, à ne pas être mutilés sexuellement (comme pour les fillettes avec l’excision, et les intactivistes – lien - y ajoutent la circoncision des jeunes garçons). N’entraînons pas non plus nos enfants dans des idéologies racistes, tribalistes, haineuses, violentes. Car en eux, nous avons notre propre avenir et celui de notre pays et que chacun d’entre eux contient un trésor à découvrir et à révéler …
Cher(e)s Ami(e)s de la Congrégation unitarienne du Rwanda, un nouvel enfant vous est né le 10 juillet de cette année, Jean Erhan Sydney Uwayisaba Manzy. Comme l’enfant Jésus, il porte en lui son propre avenir, son propre destin, sa propre contribution future à son pays, à la communauté religieuse qu’il choisira lui-même, à l’Humanité qui est notre grande famille de l’universel.
A la fin de cette prédication Sylvie a pris son bébé dans les bras et, en dansant, pendant que la chorale chantait une action de grâce, elle présenta l'enfant à chaque membre de l'assemblée.